IL NOUS AVAIT MENTI, CE CON DE PERRAULT !

A Mina
A Mina

 

J’ai eu du mal à m’endormir, encore sous l’emprise

de la Nothomb.

Excusez-moi, Amélie, de cette familiarité : je dis

« la Nothomb » comme on disait jadis « la Callas » - vous évoquez d’ailleurs Aristote dans le livre - et aujourd’hui « la Bartoli ».

 

 

Ne vous méprenez pas, ma (très) brêve rencontre d’hier avec la romancière n’a pas déclenché de coup de foudre. Pas dans mon chef en tout cas : je l’adorais depuis toujours et serais plutôt comme le bon vieux Hasselblad, exposé aux temps de pose prolongés. D’ailleurs feu mon pauvre père, qui m’a enseigné les rudiments de la chambre noire, utilisait des « boîtes » de marque Linhof (format 6 x 9 cm), ce Hasselblad du pauvre.

Et pas dans son chef à elle non plus : elle a remarqué, comme moi, les beaux yeux verts de l’adolescente qui me précédait à la dédicace mais n’a pas succombé aux miens, pourtant de teinte similaire. Bon, j’admets que j’avais omis le mascara et l’eye-liner, cette fois.

 

Non, mes difficultés à m’assoupir tenaient à mes atermoiements au sujet du billet que vous lisez : l’écrire tout de suite ou m’accorder cette nuit dont on affirme qu’elle porte conseil. La sagesse l’emporta. Aussi ai-je résolu de ne pas vous livrer le contenu du bouquin, qui renoue selon moi avec la lignée plutôt autobiographique, au moins dans son esprit sinon dans les événements relatés. Non, je vais me contenter d’anecdotes. Vous savez que j’en raffole, de ces hunting stories, ces histoires de chasse.

 

Tout d’abord, en voici une sur l’auteur (l’auteuse, l’autrice ?) elle-même : un « vieux monsieur », dignitaire au sein du jury qui décerne le prix de l’Académie Française, lui demandait au cours d’un(e) interview pourquoi elle utilisait peu (jamais ?) le subjonctif imparfait ou plus-que-parfait ; question ma foi pertinente. Peut-être espérait-il qu’une écrivaine belge – double tare : sa nationalité et son genre – ne fût ou bien n’eût pas été (hihi) capable de manier les subtilités de leur conjugaison ? Je lui entendis répondre : « Car ces formes du verbe ne sonnent pas bien à mon oreille ! ». Et hop, mouché le vioque.

 

La deuxième anecdote m’a enchanté, et vous la trouverez page 93 (dites NONANTE trois) : « ... vous êtes d’une mauvaise fois carthaginoise. » J’utilise moi-même souvent la version originale de cette affirmation, que j’emprunte à un auteur latin dont le nom ne me vient pas à l’esprit et qui disait d’un personnage peu aimé qu’il était infide magis quam punica , « d’un manque de parole plus que punique ». J’ai visité Carthage, enfin ce qu’il en reste, et le moins qu’on puisse dire est qu’il faut beaucoup de Fides Punica pour prétendre que le site vaut le détour, tant les souhaits du grand Caton ont finalement été exhaussés au-delà de ses espérances. Enfin, subtilité du translinguisme, la Tunisie possède des voisins berbères et kabyles. Et to cavil ne signifie-t-il pas justement en anglais : ergoter, chicaner, user de sophismes ?

 

La troisième anecdote provient de la page 103 : « Il faut reconnaître que les parents sont l’instance la plus anti-érotique du monde. » Je ne pousserai pas l’impudeur – une de mes caractéristiques majeures – jusqu’à vous conter mes souvenirs étayant cette affirmation, mais les résidences d’ambassadeurs devaient ressembler curieusement aux vieilles maisons bourgeoises des hauteurs de la vallée du Maelbeek pour que notre conteuse évoque (évoquât, pour l’Académie ?) ce point. Combien de positions (dont elle signale la multiplicité avec ironie dans le livre) dévoilées à l’insu de leur plein gré et combien de portes mal fermées (la sienne ou bien d’autres) n’a-t-elle pas dû rencontrer ?

 

Enfin, il y a le « Je vous ordonne de vous taire » de la page 128, qui la rangera définitivement au nombre des « Balladuriennes ».

 

Vous m’avez compris, j’ai englouti l’ouvrage d’une traite, avec goinfrerie : bravo aux relecteurs d’Albin Michel ou bien aux épreuves d’emblée immaculées de l’écrivaine, il n’y a pas de « typos ».

 

L’ambiance me fait immanquablement penser à l’atmosphère qui règne dans

« De Engelenmaker » de Stefan Brijs. Par contre, les allusions humoristiques cachées se rapprochent de celles de Arto Paasilinna. Enfin, il y a ici une « introspection distante », joli oxymoron, qui rappelle Coetzee. Du beau monde en vérité autour de vous, Mademoiselle Nothomb.

 

Et puis, nous avons vu Madame Juliette Gréco remettre un prix de la Sacem

– ce n’est pas ce qu’elle fait de mieux – au doux Davi Kilembé à Narbonne

(voir ICI), près de son Montpellier natal. Elle avait déclaré un peu auparavant à un journaliste qui l’interrogeait sur son état de santé : « Je suis une menteuse, je dissimule, mais je suis en forme dans ma tête. » Voilà sans doute

le ... pont qui vous unit toutes deux.

 

Parfois, j’aimerais être une Robert, une Fubuki ....

ou même un Grand d’Espagne – je n’ai heureusement jamais froid !

 

 

 

 

 

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