UN DÎNER DE FLACONS À L’ÁNIMA DEL VI

 

 

 

 

 

 

Ce titre va nécessiter

une longue explication :

« Cassius Clay, here I come ! »

 

 

 

 

 

Hier soir - et vraiment hier soir, nous sommes ensuite rentrés à Corneilla peu avant trois heures du matin - j’avais rendez-vous à la Carrer Vigatans avec deux Français ayant choisi Barcelone comme lieu de résidence pour être près de leur compagne, et avec une petite bande d’Autrichiens ayant choisi cette même ville tantôt comme lieu de villégiature régulière et même comme résidence secondaire, tantôt comme berceau de leur club de football favori (!), tantôt simplement pour y passer quelques jours en touriste. Christine et moi y étions ... justement pour les y voir et leur montrer notre vin.

 

Tout commence en 1976, avec la rencontre fortuite de Susanne, une délicieuse jeune Viennoise venue passer les vacances de la canicule le long de la côte atlantique. Elle s’appelait alors Frech, du nom de son papa, professeur de langues à l’université de Vienne. Après deux décennies d’amitié qui ne s’est jamais démentie, elle m’a permis de faire la connaissance d’Andreas, l’homme qui changea son patronyme en Susanne Frech, et est le père de ses deux enfants. J’étais dans une phase « difficile » de ma propre existence et lui avait organisé un séminaire de détente/motivation pour ses collaborateurs, basé autour d’un splendide châlet forestier au coeur de la Styrie, ce Land autrichien boisé et vallonné, voisin de la Slovénie. Il faisait jadis partie du territoire appelé la Pannonie. J’ai été convié, par amitié, à partager leur séjour. J’ai découvert alors un amateur passionné de vin doublé d’un sportif accompli (ski de randonnée en haute montagne, voile, trekking solitaire dans la nature), mais également un manager très pragmatique. Encore vingt années plus tard, ou presque, c’est avec le même enthousiasme à chaque fois que Christine et moi retrouvons le couple (voir ICI), au hasard de leurs déplacements et des nôtres. Ils voyagent beaucoup.

 

Le premier Français que je voulais associer à cette visite est un ancien grand reporter devenu aussi chroniqueur oenologique. Nous ne nous étions que « cyber-rencontrés » jusqu’ici, par le biais de blogs amis. Il aime à lever des lièvres mais aussi à faire avaler des couleuvres aux mesquins, un vrai détective animalier donc. J’ai découvert en chair – ce ex-rugbyman avoue encore 110 kg sur la balance, m’a-t-il confié – et en os une personnalité triple : un cycliste révolté par le trafic barcelonais qui fait peu de cas de son vélo « top de chez top », un épicurien pur jus et un psycho-rigide ... si on doit l’en croire. Merci Vincent Pousson – c’est de notre homme qu’il s’agit – pour une excellente soirée passée ensemble. Lui vit à Barcelone avec sa sommelière de compagne. Il porte sur la ville un regard très critique mais éprouve aussi pour elle un attachement peut-être inconscient.

 

Le deuxième Français, qui a fait un passage par l’extrémité de la Montagne Noire, vit également à Barcelone ... à cause de sa femme, qui est catalane. Il y tient un « bar à vin nature » dans un local très pittoresque, récemment ouvert (après une précédente enseigne) à la lisière du quartier du Born, à l’est du Barrio Gótico. Il s’agit, peu ou prou, de l’équivalent du Soho londonien des seventies, mélange de boutiques de mode, de restos branchés, de galeries d’art, d’échoppes d’artisans d’art et de ... punks et paumés en tout genre, regardant les « alternatifs de tous les jours » comme des fossiles conformistes. Bénoît « Benito » Valée, c’est son nom, est arrivé au « nature » suite à une expérience peu banale dans la cave des Barral, à Faugères. Il m’a expliqué avoir vu une cuve entière se transformer du tout au tout en l’espace de quelques minutes, le temps d’un remontage au décours d’un sulfitage de routine. Elle avait perdu tout son fruit. Ce « traumatisme », dont je ne conteste nullement la réalité moi-même, l’a ensuite conduit à embrasser, sans sectarisme exagéré, la cause des manichéens de la vinification sans soufre. Il propose à la population des amateurs barcelonais toute une série de ces vins, d’origine française surtout, car cette mode ne sévit pas encore à grande échelle en Espagne. Son Ánima del Vi (« l’Esprit du vin ») compte une dizaine de tables de bar (tablier en marbre et piètement en fonte forgée) fleuries, rondes ou rectangulaires, sous un éclairage bien disposé (suspensions), et un bar surélevé permettant de dominer son sujet. Il offre en outre une série de tapas et de collations, froides seulement pour l’instant : l’accent est manifestement mis sur le vin. Normal, c’est un bar à vin !

 

Là où mon récit prend une tournure inattendue, c’est quand on se penche sur la localisation du lieu : la rue des Vigatans. Ce gentilé désigne bien entendu les habitants de Vic et non un gardien ou concierge comme je le croyais, qui se se dit vigilant en catalan. La plaine de Vic, patrie de l’espadrille à lacets (d’où les « bigatanes »), a été célèbre pour son Pactes dels Vigatans, l’association des défenseurs de l’archiduc Charles d’Autriche lors de la Guerre de Succession d’Espagne au début du 18ème siècle. On les a même surnommés Imperials (c’était le clan du Saint-Empire) ou Austriacs (Charles appartenait à la maison de Habsbourg). Il montera virtuellement sur le trône sous le nom de Carlos III de España (à ne pas confondre avec Charles III de Bourbon). Donc, notre bar à vins, bien à propos ce soir, prend le parti des austrophiles.

 

En effet, en même temps que mes amis Susanne et Andreas, c’est un quattuor d’oenophiles autrichiens qui dégustèrent de la Coume Majou, emmenés par nul autre que l’homme qui dirigea le SPÖ pendant la première décennie du siècle et occupa même les fonctions de président du conseil fédéral autrichien (Bundeskanzler). Je peux vous révéler qu’il déguste avec application, possède un schéma bien établi de ce qu’il recherche dans un vin et que, comme ma mère, il a eu un faible pour le millésime 2005 de la Cuvée Majou, qui arrive à maturité je crois. Il a par ailleurs beaucoup apprécié la Loute 2011, très à son avantage lors de cette soirée.

 

Après nous avoir très aimablement laissé goûter un échantillonnage de ma gamme, et mis à notre disposition du pain à la tomate, Catalogne oblige, Benito a apporté des assiettes de fromage, un pâté de campagne venant du Gers (mais relevé au piment d’Espelette je crois) et du pata negra. La compagnie ne m’a pas donné l'ocasion de goûter à ce dernier, qui a fait l’unanimité. Le tourisme, ça creuse, et les peuplades pré-balkaniques ont l’habitude d’assouvir leur appétit légendaire par des nourritures consistantes et surtout chaudes. Ce fut donc la plongée vers Barcelona by night pour eux, tandis que Vincent, Christine, Luc et ... pas les autres ont suivi l'itinéraire fléché par l’échanson des lieux. On a bu un cabernet franc « de la charité », provenant des Hospices de Saumur – vous savez, le fameux Clos Cristal – une première pour moi. Le nez, pourtant carafé plus d’une heure à l’avance, a mis encore bien 30 minutes à laisser disparaître son réduit. Mais ensuite, la finesse des tannins et sa buvabilité ont fait merveille. A attendre néanmoins (2011).

 

Ensuite, je me suis réellement régalé avec le Morgon sur la Côte de Py du domaine Coquelet : beau nez bien ouvert, bouche grasse, longueur et suavité. J’aurais aimé encore un degré d’alcool en plus mais vous connaissez mes préférences à ce sujet. Très bel accord avec le pâté.

 

Par après, les choses devinrent plus difficiles : un Tavel presque rouge avec des arômes de pomme (mûre, pas blette) et de pils encore sur ses levures dévoila de plus en plus de fruité à mesure qu’on attendait. Une rencontre surprenante, mi-cervoise mi-cidre, qui fait un bel apéritif. Mais à table ?

 

Pour finir - la soirée mais pas le verre, impossible pour moi - un rosé très clair issu de pinot noir espagnol, au nez évoquant immanquablement le chou vert ou le chou-fleur, avec de la groseille en bouche ... à maquereau. Désolé pour mes amis amateurs de ce genre d’exercice mais là, je cale.

 

En résumé : j’ai découvert une adresse très sympathique

qui me reverra lors de mes passages dans la métropole voisine.

Attention cependant, elle n’ouvre qu’à 17 heures.

Il y a un parking souterrain à 30 mètres et la bouche de métro

(Station Jaume I) toute proche vous vômira vers l'air libre également.

Merci à Fifi, Andreas, Vincent, Benito, Gusi

et les autres pour un ce bon souvenir méridional.

 

 

Ánima del Vi, Carrer Vigatans 8, Barcelona

 

 

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Commentaires: 2
  • #1

    Hervé LALAU (mercredi, 01 mai 2013 14:48)

    Le Tavel, ce ne serait pas les Carabiniers?

  • #2

    Luc Charlier (mercredi, 01 mai 2013 15:45)

    C’est cela même Hervé, du Domaine Offenbach, dans l’interprétation de Julien Clerc quand il revient de la savanne.