A PLUS TARD EN ENFER, ADORABLE VIEUX DANDY

Mieux qu'une épitaphe, une dédicace
Mieux qu'une épitaphe, une dédicace

 

 

Le billet du 8 décembre de mon ami Hervé Lalau m'apprend le décès de Roland Gohy.

 

Je me fends, le coeur léger, d'un In Memoriam. Le coeur léger, comme l'humour de Roland. Tout ce qu'écrit Lalau est vrai, et je n'en retirerai pas un iota. Mais je voudrais compléter le tableau.

 

Roland était plus que distingué, il était un dandy, volontairement. Sa fine moustache, son blazer d'enseigne de vaisseau (The name is Gohy, Roland Gohy), ses ongles manucurés, ses moues en cul de poule et ses .... slips léopard*, tout cela formait son personnage. Et il en riait lui-même.

 

Il était aussi un connaisseur en vins italiens, chose rare il y a 20 ans en Belgique. Et c'était un amateur de jazz, excellent guitariste par le passé même s'il ne grattait plus jamais. Enfin, pas sa guitare! 

 

Il était aussi un pourfendeur des fats et des cuistres. Il avait des inimitiés féroces, sans hypocrisie. 

 

Il était un peu "wallingant", par provocation plus que par conviction. Je le lui pardonnerai.

 

Roland Gohy avait, plus que tout autre, une faculté d'humour incroyable, et d'auto-dérision. Les Juifs sont, pour la plupart, formidablement capables de rire d'eux-mêmes et cela constitue un trait sympathique de plus pour cette communauté. Roland Gohy, qui était un Goy, ne le cède en rien sur ce point au peuple d'Abraham. Un jour, il m'a confié, en se bidonnant derrière sa moustache: "Tu sais, j'adore les privilèges, pourvu que ce soit moi qui en profite. je suis le meilleur pique-assiette parmi tous les journalistes spécialisés, et ce n'est pas peu dire". Or, ce n'était même pas vrai. Certes, il se rendait à toutes les invitations mais il s'acquittait scrupuleusement de sa tâche de dégustateur, avec méthode et application, notant dans un petit calepin ses impresssions. Sur les vins blancs, nous n'étions jamais d'accord. Sur les rouges, il supportait mal la vraie maturité, formaté qu'il avait été par le lobby girondin du cabernet peu mûr. 

 

Début septembre 1992, auditorium de l'Institut Lambion (CERIA, Anderlecht, Belgique): un homme grand et bien mis, chenu, vient se positionner sur l'estrade où je présente ma première dégustation en tant que chargé du cours d'Oenologie (promotion sociale), devant 60 adultes médusés. Beaucoup d'entre eux avaient suivi les cours d'Hamilcar Michiels, et avant lui de Louis Bizet, les successeurs en ligne directe de Robert Goffard. Et rebelote, 't is weeral van datte. Je l'ai laissé faire et cela a duré 5 ans! Il fut en fin de compte un auxiliaire sympathique, de qui je pouvais me moquer doucettement quand nous divergions. Roland acceptait TOUTES les taquineries, toutes, de gaîté de coeur. Ce n'était pas de la veulerie, c'était un sens aigu de l'humour. Merci Roland, et bravo.

 

Enfin, voici ce qu'il écrivait de moi dans une revue "horeca" en mars 2009, sous le titre (...) DE LA JOUE A LA FESSE

"Personnage complexe, paradoxal, provocateur mais frénétiquement attachant, notre compatriote Luc Charlier assume, endosse et, si le besoin s'en fait sentir, porte le chapeau. Pour lui, le grand moment, ce fut lorsque d'un coup de pied jubilatoire, il rompit avec les contraintes inhérentes à sa carrière scientifique pour s'établir vigneron en Roussillon". 

Au-delà du portrait qu'il m'est difficile de juger, voilà un joli brin de plume. 

 

Si tu m'entends là où tu es, Roland, sache que je te rejoindrai avec plaisir, pour achever de t'apprendre à aimer les vins méridionaux.

Tu iras me saisir une queue de langouste aux buffets des nantis,

et nous la partagerons en écoutant Philippe Catherine,

Joe Pass, Jango ou Pat Metheny. 

 

 

PS: * Le détail de ses sous-vêtements, je l'invente, mais qui sait ? 

 

 

 

 

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Commentaires: 1
  • #1

    Erik Bruyland (samedi, 13 décembre 2014 17:07)

    Luc,
    Do you remember ? Long time we attended the ICAAC conference in New Orléans. In a jazz pub we were listening to the beautiful and passonate singer Charmaine Neville. You copied for me some of her recordings. I am still grateful to you for the friendly gesture. I am listening to this CD. Pure pleasure !

    Warm regards,
    Erik