SOUS CETTE PENNE SE DISSIMULE UN SAGE

 

 

 

 

 

A Bertrand,

 collègue,

  poète,

           mélomane,

                        père productif ...

 

 

 

 

 

 

Et tout commence par une anecdote. Nous sommes le soir du réveillon de Noël 1984, mon frère confirmerait que c'est le 24 décembre de cette année-là. Mais peut-être est-ce celui de la Saint-Sylvestre, aux alentours du 31 donc ? Je suis de garde aux urgences de l'Hôpital Brugmann, en quatrieme année de post-graduat, et donc  le "senior" parmi les médecins d'astreinte sur place. Les autres sont des stagiaires libanais, syriens, congolais (on dit zaïrois à cette époque) : certains sont déjà gris, d'autres sont blancs comme neige et moi je broie du noir. 

 

La"garde" (les urgences en français) me sort du lit car "une Marocaine complètement hystérique veut voir un médecin et le junior n'arrive pas à l'examiner". Bon d'accord, je suis là pour cela mais j'étais occupé et les nouveaux arrivés encore conscients ne me passionnent pas. Moi, ce que j'aime, ce sont les cas désespérés, comateux, exsangues et en lambeaux. "Les cas désespérés sont les cas les plus beaux", n'est-ce pas ?

 

Je saute hors du lit d'abord, dans ma tenue ensuite et dévale quatre à quatre les marches qui mènent à la cour d'entrée, puis file vers le local d'accueil. Cette institution, un CHU pourtant, était encore pavillonnaire à cette époque. Et là - je passe les détails - cette "pauvre Marocaine hystérique" avait raison: un insecte lui a envahi le conduit auditif et entame de ses mandibules l'intégrité de son tympan. Enfin, je le suppose car je n'en aperçois que le cul - de l'insecte - à l'otoscope et les pattes remuent avec vigueur. De quoi vous mettre en boule, non?

 

J'essaie de l'endormir à l'éther, de l'extirper à la pince ... rien n'y fait. De guerre las - je n'aime pas perdre les batailles mais mon temps non plus et l'insecte pénètre de plus en plus vers le marteau et l'enclume de ma patiente ... forgeant ainsi son avenir - je fais prévenir le "nez-gorge-oreilles" de garde, dans un autre hôpital du centre ville. Il est alors un bon 2 heures du mat'.

 

Et qui me répond ? Notre penne, le Dr Bertrand Ninove, un ami de lycée en personne. Il pense à un canulard, me dit plein de gentillesses et me propose que nous allions nous coucher tous les deux, mais chacun de notre côté. J'ai eu bien du mal à le convaincre de la véracité de mon récit et de l'acuité de mon diagnostic. Trois heures et un voyage en ambulance plus tard, la brave femme était soulagée de son visiteur: Bertrand, sous microscope stéréoscopique, avait réussi à extraire l'intrus, ou l'intruse, je ne me souviens plus du sexe de l'envahisseur. 

 

Cette anecdote est vraie dans tous ses détails.

 

A présent, Bertrand a quitté la médecine pour de bon et s'est installé comme facteur d'instruments. Je pense qu'il est luthier mais ne suis plus sûr de la spécialité. J'ai retrouvé sa photo sur FB, alors qu'il célébrait à sa façon la Saint-Verhaegen 2014. Pour les non-initiés, il s'agit de la fête initiatique des étudiants des universités de Bruxelles (flamande et francophone), qui se tient le 19 novembre de chaque année et donne lieu aux "baptêmes", les bizutages de chez nous. La "penne", petit calot à visière plus ou moins longue, décoré de toutes sortes de gadgets, se porte fièrement une fois qu'on a passé les cérémonies. Dans les facultés de médecine et associées, le tout prend souvent un tour légèrement coquin et érotique, le poil du cul l'emporte sur la poésie lyrique et la beuverie sur les concours de réthorique. Par contre, dangerosité basse. 

 

Salut à toi, Bertrand, quand est-ce qu'on se voit?

A d'autres la sagesse, nous t'aimons vérité. 

 

 

 

Petit quiz: agrandissez la photo et admirez les beaux yeux de mon ami. Quelle petite particularité présente son oeil droit (à gauche sur la photo, imbéciles), celle qui lui valut tant de succès féminins? 

 

 

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