AMELIE LA FIDELE

Lettre manuscrite
Lettre manuscrite

 

 

 

 

 

 

 

Pour la troisième fois,

Amélie Nothomb

se manifeste à moi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cette gamine, de dix ans ma cadette, a pourtant acquis un niveau de célébrité qui devrait lui permettre, tel le Préteur (avec l'accent aigu) de la citation, de ne pas frayer avec le futile, l'anodin. Mais voilà, Etterbeek nous a unis dans un passé mi-lointain. Elle y naquit, j'y vécus. Z'avez vu les deux beaux prétérits ? On dirait un littérateur, niewâ. Or, je n'en suis point un. Je respecte le beau verbe, et l'orthographe. Ca, oui (la cédille du C majuscule ne sort pas dans ce logiciel-ci). 

 

La première fois, j'avais fait dédicacer à l'intention de ma mère, grosse bibliophage et assidue de la prose nothombiale, surtout en période automnale, un roman fraîchement publié, alors qu'elle se pliait avec une grâce inhabituelle à cet exercice au dernier étage de la vraie librairie de Perpignan, à l'enseigne de "Torcatis", chez M. Coste. Lorque l'on veut un ouvrage insolite ou un conseil avisé, on dit d'ailleurs ici "par Torcatis". A Bruxelles, je m'exclamais "par Tropismes". Certains jurent ainsi "leurs grands dieux", à ... Thor et à travers! Bon, d'accord, j'avais aussi offert un modeste flacon de mes bibines à la dame aux bitos. Il ne s'agit pas d'un dieu, cette fois, mais d'un bibi. Et on s'exclame "par Bélénos", non "par Bitos", ce qui serait grotesque. Elle m'avait ensuite "attrapé" au téléphone pour me remercier, après avoir lampé le flacon en compagnie d'amis à elle, in situ. C'était aimable, d'autant que je lui avais avoué mon forfait: j'ai acheté Stupeurs et Tremblements lors de sa parution, et les quelques suivants itou. J'ai ensuite acquis en "poche" toute sa bibliographie précédente. Je suis donc un "client" un peu radin. C'est ensuite ma mère qui m'a filé tous les autres après les avoir lus: je ne devais même plus découper les pages. Je signale en effet aux "djeuns"; enfin, au petit nombre d'entre eux qui lisent encore, que jadis il n'était pas rare de devoir individualiser au coupe-papier les feuillets des ouvrages mal rognés. Pour être franc, je n'ai pas encore "touché" Pétronille, qui m'attend en plein Bachten de Kupe, en transit de chez Corman, le libraire de la Witte Nonnenstraat d'Ostende.

 

Le deuxième fois, et je pensais que ce serait la seconde, elle m'avait appelé au téléphone. Imaginez ma stupeur, moi qui ne souffre pas de tremblements émotionnels, de mériter un tel honneur. Bon, en même temps, je ne dis jamais "docteur" aux médecins, encore moins "maître" aux juristes, ni même "excellence" aux ambassadeurs. Il faut dire qu'Herman Dehennin et Marc Van Craen ont fait partie des vrais intimes de mes parents et que, pour cette catégorie au moins, les marques externes de déférence n'étaient pas de mise. Or donc, cette auteure majeure se mettait au niveau de ce pauvre pecus, moi, quelconque minus. Je lui ai quand même dit "vous", et non "camarade". Je ne suis pas sûr que sa famille, si proche de la royauté et du parti social chrétien, aurait toléré de gaîté de coeur cette familiarité populaire et collectiviste. Je pense, par contre, que la rebelle qu'elle est n'aurait pas pris ombrage de mon outrecuidance, si j'avais osé. Elle n'aurait pas dit "No", alors que son père s'y illustrait si souvent. On n'est pas à un accent circomflexe près, dès lors qu'on s'essaie aux approximations, forme d'humour que j'affectionne. 

 

La troisième fois, c'était ... il y a tout juste maintenant. J'ai trouvé au courrier, en rentrant de livraisons lointaines et d'une visite enchanteresse de la belle ville de Provins, cheval de parade des Comtes de Champagne, un courrier manuscrit que je vous reproduis partiellement.

 

Je ne connais pas les usages, et préfère ne pas publier in extenso une lettre privée, même si celle-ci ne cache rien d'indiscret. Ce que je vous dévoile ne peut nuire à la pudeur ou à la retenue de personne. Vous savez qu'une spectatrice s'est exclamée, à la première du Boléro, en parlant de Maurice Ravel: - "Il est fou, il est fou !". Le compositeur, installé à quelques mètres d'elle, a déclaré: - "Elle a tout compris". Mais là, on parle de talent, et même de génie.

 

Moi, je participe simplement de la "folie ordinaire", du nombre des amuseurs occasionnels, des petits déviants du tout venant. Je poste régulièrement à l'adresse de son éditeur - l'hagiographie amélienne nous apprend qu'elle ne s'est pas informatisée - les billets publiés sur mon blog qui la concernent. Ce ne serait pas mal si elle pouvait en outre boire régulièrement de mes vins. Même que je lui en ferais cadeau ! Imaginez qu'on découvre qu'un de ses personnages se régale de La Loute, de la Cuvée Majou ou du Roc Blanc! Je pense que Victor Hugo écrit quelque part qu'il a logé chez une certaine Madame Dehaze, alors qu'il séjournait au centre de Waterloo, à l'Hôtel des Six Colonnes en fait, qui existe encore de nos jours. C'était la propriété d'aieux de mon grand-père maternel, originaire de Lillois, à quelques kilomètres du champ de bataille, et ma mère portait encore ce patronyme comme nom de jeune fille.

 

Donc Amélie, merci de vos manifestations de sympathie

et n'oubliez pas d'enivrer une de vos créations littéraires

au bon vin du Roussillon! 

 

 

 

 

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