ATTENTION, ASSIETTE EN DANGER

Pain au levain, bien dense, acheté chez un artisan boulanger à Aurillac*.  Entrecôte de race Salers, rassie à point. Trois pointes de fromage : Cantal AOP entre deux, Cantal vieux et un incroyable Salers "Tradition".

 

[* Pourtant, même ce bon boulanger (pain aux raisins exquis) nous a vendu des croissants ne provenant certainement pas de son pétrin à lui, gonflés à la levure et sans aucune texture, même si leur goût était correct.]

 

 

Et tout commence par un faisceau d'anecdotes. Tout d'abord, Eric Bouyssou nous envoie chez le boucher de le rue Basse à Vic-sur-Cère, à l'enseigne du "Panier Gourmand". Il s'y fournit mais nous apprenons aussi qu'ils sont voisins. Razzia du Léon et de la Civale sur la vitrine réfrigérée. On discute, on papote, on risque un "rapport de chez M. Spock" et on apprend finalement de la bouche d'une des clientes, elle-même propriétaire de douze vaches qui lui permettent d'élever du veau fermier sous la mère à ses "moments perdus", mais également employée chez ce producteur-affineur local - il faut bien faire bouillir la marmite -  que cela vaut la peine de se fournir à la fromagerie Bonal, dont le point de vente - nous l'apprendrons plus tard - se situe près de la gare d'Aurillac. En effet, nous étions passés la veille devant un entrepôt dans les faubourgs où habite sans doute une partie de la famille, d'où l'on nous aiguilla, itinéraire bis à la clé pour éviter le trafic, vers le magasin en ville.

 

Quelle caverne d'Ali Baba du fromage, sans les odeurs de babouche toutefois : tout ce que l'Auvergne compte de produits laitiers s'y trouve, à la coupe ! Il y a la queue jusque sur le trottoir, à neuf heures du matin, mais le service est diligent, vif mais pas hâtif, et les prix sont très raisonnables. Pour ma part, j'ai acheté un disque de fourme d'Ambert et un demi Saint-Nectaire fermier, puis ai également fait honneur au département lui-même, ce dont atteste mon illustration du jour.

 

Les fromages du Cantal se présentent en fourmes de 40 kg ou plus, pour lesquelles vous compterez 8 à 10 fois plus de lait. Il s'agit de pâte pressée obtenue au départ de laits crus. Dans le cas du Salers dit "Tradition" - une gradation revendiquée par les producteurs fermiers mais qui ne fait pas partie du décret - on utilise uniquement le produit de la traite de vaches de race Salers à l'exclusion de toute autre et le lait doit être récolté à l'estive ou en tout cas au pré, dans des récipients cylindriques en bois appelés grelo. Il sera transformé sans refroidissage préalable. Même plus, le veau doit têter avant le début de la traite. Toutes ces conditions, couplées à une non-conformité absolue des locaux d'élaboration, rendent soupçonneux les fâcheux bureaucrates du parlement européen et surtout de ses commissions, think-tanks et autres lobbies. Mais cette variabilité bactériologique et l'individualisme exacerbé de chaque production, sans aucune standardisation des caractéristiques protéiques ou lipidiques du lait, fait justement tout l'attrait du fromage. Le nôtre est presque écoeurant, tant il est gras, crémeux, lactescent, suintant, beurré, légèrement rance ... un délice pour tout gourmet. Mais les capitalistes de l'agro-alimentaire allemand, danois, néerlandais et les dictateurs de chez Lactalis ne peuvent évidemment tolérer cela. M. Davignon, un des assassins par procuration de Patrice Lumumba, M. Lamy, qui ne vaut guère mieux, et tous leurs collègues et successeurs là-haut sont verts de rage. J'espère qu'ils n'auront pas la peau du Salers. J'espère même que le peuple aura un jour la leur - au figuré bien sûr car je ne tombe jamais dans l'incitation au meurtre.

 

Moi, je l'apprécie de plus en plus, cette Auvergne profonde.

 

 

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