UNE SEMAINE CHARGÉE (VI) : FLAVEURS OU ÉPITHÈQUE, C’EST VOUS QUI VOYEZ

Tu tiens le couvercle  ... comme cela ! Echange de recettes avec B. Poinot au sommet de la Coume Majou.
Tu tiens le couvercle ... comme cela ! Echange de recettes avec B. Poinot au sommet de la Coume Majou.

 

 

 

 

 

 

Je vous parlais (ICI) de la visite

de Lætitia et de Baptiste

à la Coume Majou

et je vous avais promis

d’aller goûter la cuisine

du Valentinois au plus vite, après qu’il ait eu l’indulgence d’avaler la mienne sans

un seul mot de critique.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Vous commencez, si vous me lisez assidument depuis quelques jours, à réaliser que nous avons accompli – en prélude à la vendange d’un faune – un large périple de dégustations en pays d’Ardèche et de Drôme car, en cette période de pré-élections municipales, nous ne voulons mécontenter ni la (rive) gauche ni la (rive) droite. Mercredi dernier donc, c’est au parking de disuasion du péage que notre hôtesse nous attendait afin de nous guider jusque chez elle – car elle nous a laissé et son appartement et ses clés (ce qui est commode) avant de nous conduire au centre de Valence, que je connais peu et où le stationnement est malaisé.

 

La Karyn de ce blog a réussi un tour de force dans le quartier de la Place Brugmann à Bruxelles : elle a pu joindre par un couloir de communication une toute nouvelle partie professionnelle de son bâtiment, qui donne sur une rue, et son logement personnel, à front d’une autre artère perpendiculaire à la première. Elle « coupe le coin » pour ainsi dire, court-circuit original et pratique.

 

D’une certaine manière, avec son Flaveurs (* Michelin) et le nouvel Epithèque, Baptiste Poinot a réussi le même montage. Le restaurant gastronomique, à la décoration très tendance associant le noir, le gris, le métal laqué - pas le canard, ça, c’est chez Li Poi’Nô, une rue plus loin – et un grand voile en Lycra jouxte l’ensemble des parties constituant la cuisine, en perpétuelle évolution. Son « atelier convivial », où le chef aime à pointer le nez et à recevoir des copains (jusqu’aux petites heures de la nuit parfois) donne lui sur la ruelle qui fait l’angle. Il peut y accéder au choix par le sous-sol de son restaurant étoilé où une jolie salle de dégustation et de séminaire a été aménagée ainsi qu’un ensemble vestiaire-toilettes futuriste à l’ambiance très new-age, mais aussi par une porte latérale s’il le souhaite, d’où des effets « côté cour – côté jardin ». Je me demande s’il n’a pas des ancêtres dont le spectre rôde dans un manoir au bord d’un loch, là-bas en Calédonie ! Il est passé par ici, le Poinot du Bois Joli. Il repassera par là, le Poinot du Bois Mesdames ...

 

Bon, ce n’est pas tout cela : à table ! La vidéo vous expliquera mieux que moi ce qu’est l’Epithèque. Pour l’heure, un très dynamique « Taulier » de 18 ans à peine trône derrière un large comptoir façon table d’hôtes (5 à 6 couverts, réservation impérieuse) tandis qu’une demi-douzaine de tables hautes avec chaises haut-perchées mais pas percées complètent la capacité. Ce garçon règne en maître, par la grâce de Baptiste qui l’a investi de sa confiance mais aussi de toute la gestion du lieu, sur des tableaux noirs affichant les vins très variés que vous pourrez déguster et la « petite restauration » (tu parles !) proposée ce jour-là. A propos de vin, nous avons redégusté les miens tout au long du repas-exploration : le chef semble avoir découvert avec un vif plaisir l’Eglise de Coume Majou 2008 que nous n’avions pas eu l’occasion de voir à Corneilla, sur le principe du « de minimis non curat Coctor ». Mais il m’a d’abord piégé avec un délicieux champagne (si, si, je vous jure) très vineux (pinot noir certainement) en apéritif et surtout un blanc servi à l’aveugle sur le saumon basse température. Hésitation de ma part à ce stade car une pointe de cidre ou de poiré, non-oxydatifs, et un rien de pâte d’amande, auraient dû me mettre sur la piste avant de décider que c’est un St Joseph ou un Crozes – voir même plus haut dans la hiérarchie ! – de très bonne facture. Et bien non, foin de roussanne ni de marsanne, il s’agit tout simplement du médiatisé Sixtus, un vin de pays 100 % viognier dont tout le monde parle pour le moment, mais que je n’avais jamais dégusté. Ça c’est la grande pitié du pauvre néo-vigneron affairé à développer la notoriété d’une nouvelle exploitation : nous n’avons plus ni le temps, ni l’occasion, ni la trésorerie pour nous imbiber de toutes « les nouvelles quilles qui sortent ». Pourtant, j’adore personnellement m’adonner à cette activité.

 

A table, il y avait outre votre serviteur pas moins de trois convives femmes : (i) la compagne du chef, notre logeuse, (ii) Delphine, une charmante amie de la maison qui soigne d’ordinaire le P.R du restaurant mais qui abandonna bien vite tout rôle officiel pour entrer dans une sorte de complicité rieuse sous l’oeil vigilant de (iii) Christine, exerçant une surveillance rapprochée de son vigneron comme elle l’aurait fait d’une cassolette de lait sur un toit brûlant. Elle en a l’habitude car son ex-mari passait jadis pour le sosie de Marlon Brando, à qui il continue d’ailleurs de ressembler, et moi, et bien, j’ai comme quelque chose de Tennessee. Cette tablée de charme permit à Baptiste de lever un coin du voile sur son savoir-faire : je ne sais combien de « kleine hapjes »* nous vîmes défiler, dont la moins savoureuse – mais combien exquise pourtant – fut une ardoise de charcuterie de porc de Bigorre choisie avec soin. Ici, à la base bien sûr de la sélection, le chef n’a pourtant rien fait avec ses dix doigts. Pour le reste, dès qu’il y met la main : full marks ! Trois compositions m’ont marqué : une espèce de « nem » à la chair de crabe relevée d’herbes aromatiques dans un jus de viande excessivement goûteux, des beignets « façon Tempura » de bouquets au sépia et à l’ail – je pense en avoir croqué 6 ou 7 comme un goulu que je suis – et des « caillettes » drômoises revisitées. Vous irez voir ICI ce que c’est.

 

Le lendemain matin, après cette soirée de sacrifice expiatoire pour

ton seul bien, ami lecteur, nous partîmes de bonne heure vers

le piémont des Trois-Becs.

Avant cela, nous nous sommes assurés de la possession

des clés de la fourgonnette avant de déposer irrémédiablement

celles de l’appartement à l’endroit convenu,

après un petit mot de remerciement sur le plan de travail.

Et vroum-vroum, en route !

 

 

* Kleine hapjes, « petites bouchées » en néerlandais

 

 

 

 

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