C’EST LA FAUTE À JIMMY

Photo d'archives
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Non, je ne m’entraîne pas contre Jimmy Connors.

Il a dix pointures de pied de plus que moi, et je ne vous parle pas du reste.

Non, je ne connaissais pas Jimmy Carter.

Je ne suis pas Allan Karlsson tout de même.

Non, je n’ai pas eu la chance de m’asseoir dans le baquet de Jim Clark avant qu’il ne quitte définitivement la piste à Hockenheim.

 

 

C’est Jim Budd qui est responsable de ma – bonne –  glycémie de ce matin.

 

Cet illustre sujet de Sa Gracieuse Majesté, laquelle possède à présent au moins trois héritiers (et des mâles par dessus le marché !) en succession directe, se passionne pour le sport cycliste au-delà de toute raison. Il connaît TOUT sur le Tour de France. La seule manière de prendre du plaisir au passage monotone et fugace de ces équilibristes de la petite reine est d’ailleurs d’en devenir une espèce de maniaque, sinon, c’est d’un mortel ennui.

 

Pour le reste, il s’agit d’un garçon tenace, le vrai bull-dog à l’anglaise, adorant le vin, excellent photographe et débatteur d’une mauvaise foi que seul un ressortissant britannique est capable d’arborer. Ainsi, il en arrive à défendre mordicus que le sport cycliste – et sans doute les autres aussi – a fait table rase de ses années de doping. Il faut dire que, même à l’apogée de cette époque, il niait dans les grandes lignes la présence de substances fortifiantes ou anabolisantes dans les pelotons, jusqu’à ce que la preuve formelle en soit apportée au cas par cas. Soixante-dix kilomètres heures dans la montée des Champs Elysées représente pour lui le fruit d’un entraînement sérieux, d’un bon matériel et d’un macadam impeccable.

 

Bref, nous nous chamaillons – presque amicalement – régulièrement à ce propos. Pour mettre fin à nos paroxysmes de taquineries, nous sommes revenus sur un sujet qui nous unit souvent : le bon vin. En effet, il aime les mêmes vins que moi, très souvent, car, dans ce domaine au moins, c’est un homme de goût. Je vous accorde que son choix de chemises laisse planer un doute à cet égard. Et, de fil en aiguille, j’avais été chercher dans ce qui me reste de cellier une bouteille que je vous détaille aujourd’hui.

 

Et la glycémie, dans tout ça, car je ne perds pas le fil de mon récit ?

Devant la charge « hors du commun » que cette libation représente pour mon pancréas défaillant, je me suis administré pour la première fois 20 unités d’insuline rapide avant de me coucher pour me trouver au réveil normoglycémique ... mais de justesse. Merci, Jimmy.

 

Monsieur Doucet, Michel de son prénom, a croisé ma vie grâce à mon inestimable ami Ingels, un Michel aussi. Ce fiable esthète n’avait pas manqué de découvrir toute la subtilité des Chaume du Château de la Guimonière et y était un habitué. Moi, j’ai rencontré ce vigneron à une époque où il commençait à songer à céder la propriété à des tiers, personne de son entourage ne montrant d’intérêt à sa reprise. Avec un troisième larron, William, que je vous ai déjà présenté, nous avions même envisagé un temps de franchir le pas. Mais je n’étais pas mûr pour cette décision d’une part et ma contribution financière personnelle n’aurait pas été à la hauteur.

 

Peu après, c’est le pâtissier – et grand destructeur de vignobles – Lenôtre qui racheta le bien. Dans la foulée, et contrairement aux accords passés, il fit procéder à l’arrachage des plus vieux ceps, devenus moins productifs, et notamment de la parcelle de ces vieilles vignes plantées au début du 20ème siècle et qui donnaient des jus sensationnels.

 

De main en main, la Guimonière appartient maintenant à un groupe qui possède aussi le Château Bellerive et le Château de Varennes, dont M. Château est propriétaire. Cela ne s’invente pas. On fait appel au bordelais Dubourdieu pour surveiller les vinifications. Je n’ai plus dégusté les vins depuis très longtemps. Par ailleurs, la jolie maison familiale à Rochefort-sur-Loire, toujours aux mains de la famille Doucet, abrite un gîte qui à l’air fort accueillant (ICI). Je me rappelle, moi, des dégustations d’antan, sans doute dans le corps de bâtiment principal, mais mon souvenir de ces doux moments s’estompe un peu.

 

Et le vin ? Evidemment, 1990 fut un millésime exceptionnel et le temps lui a permis d’intégrer totalement son sucre. Le bouchon vint en deux fois, mais ne présentait pas d’odeur de moisi. Toutefois, le niveau avait perdu un demi-pouce environ (exprimé en unités de mesure buddiennes).

 

La robe est dorée, sans nuance d’orangé ; très jeune en fait pour un vieux teenager. Au nez, le chenin s’identifie immédiatement par ses arômes de miel, de mirabelle, d’acacia, avec bien sûr une touche exotique. Ce n’est pas tant le botrytis qui parle que la surmaturité, mais je ne sais pas si cela correspond à la réalité viticole. Cette fois, on ne peut pas confondre avec un riesling, no way. Et puis, la bouche est toute d’harmonie, de caresse du sucre, sans aucune acidité perceptible – mais celle-ci est bien là pour assurer l’équilibre. Il y a à peine un rien d’amertume en fin de bouche ... pour vous inciter à vous ruer sur la gorgée suivante.

 

C’est un vin très gourmand dont on ne se lasse pas, loin des potions chaudes et gluantes que le Layon a malheureusement parfois produites dans les années ’70 et ’80, avec ses chaptalisations démentes. C’est cela qui avait conduit à la désaffection du public pour les « vins de dessert ». J’espère que les percées timides de la cryo-extraction et de la cryo-concentration ne vont pas amener au même résultat.

 

Voilà Jim, merci à toi de m’avoir donné

l’incitatif pour ouvrir ce flacon et

« Vive le pot angevin » pour atteindre les sommets.

 

 

 

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