BIENTÔT LE TOUR DE FRANCE

Le grand Tom Simpson, victime exemplaire
Le grand Tom Simpson, victime exemplaire

 

 

 

 

 

 

 

 

On nous a dévoilé le parcours,

mais je suppose que les mordus

le connaissaient déjà.

C’est pour moi l’occasion

de vous narrer une petite anecdote.

Tout est vrai à 100 %.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En 1988 – je crois – j’occupais un poste au sein de la firme pharmaceutique britannique Beecham Pharmaceuticals. Elle n’avait pas encore fusionné avec d’autres sociétés et un de ses centres de recherche (ainsi que de public relations) se trouvait à Brockham Park, dans le Surrey. C’est là qu’on a développé le noyau de nombreuses pénicillines et antibiotiques de la même famille, l’acide 6-amino-pénicillanique. Un des quatre chercheurs à la base de ces synthèses était George Rollinson et j’ai eu la chance de côtoyer cet aimable gentleman, d’une exquise politesse ... et grande habileté. Mon job consistait à suivre le développement clinique de tous les antibiotiques de la société, déjà en vente sur le territoire belge ou encore en phase d’expérimentation. C’était réellement passionnant à faire, le salaire était 3 à 4 fois plus élevé que ce que je touchais auparavant en hôpital public et je n’avais pas de garde de nuit à prester. Malheureusement, en dépit de la grande intelligence du PDG belge de l’époque, Joseph Paulus à qui je rends hommage à cette occasion, et malgré un responsable des ressources humaines – je préfère garder l'intitulé marxiste de « chef du personnel » – extrêmement compréhensif, mon caractère un peu rebelle et la science que je travaillais principalement pour grossir le portefeuille des actionnaires me rendait la vie parfois absurde.

 

Un jour, dans un couloir de l’IMC d’Ixelles qui avait été ma dernière affectation hospitalière et alors que je rendais visite à la responsable du laboratoire, une consoeur charmante et compétente, j’ai été abordé par un inconnu. Il m’a identifié et m’a proposé, pour le compte du laboratoire Cilag AG, une firme suisse ayant été reprise dans le giron du géant états-unien Johnson & Johnson, d’examiner si je ne serais pas intéressé par un poste de conseiller chez eux, pour suivre l’érythropoiétine recombinante produite par ce laboratoire. Elle allait par la suite s’appeler Eprex® et indirectement sauver des millions de vies humaines.

 

Pourquoi moi ?

 

Le profil recherché était le suivant : un Européen parlant suffisamment bien les langues que je manipule, néhrologue de formation, jeune (j’avais 32 ans) et possédant déjà une expérience dans l’industrie pharmaceutique. Si vous introduisiez ces données dans un catalogue informatique des candidats potentiels, un seul nom en sortait : votre Léon, aka Luc Charlier.

 

On avait été interroger le Dierik Verbeelen dont je vous parle souvent dans ces pages et qui m’avait eu comme assistant pendant plusieurs années lors de ma formation. Vous savez qu’il a acquis une propriété viticole non loin d’ici, qui gagne ses titres de noblesse. Il leur avait dit, en substance : « Il est intelligent mais assez fainéant », à ce qu’on m’a rapporté. Je pense que, sur ces deux points en tout cas, il m’a incorrectement cerné.

 

Rapidement toutefois, les deux parties comprirent que le courant ne passerait pas. Cilag « appartenait » - ce n’est pas tout à fait aussi simple – à Janssen Pharmaceutica en Belgique et ce groupe entretenait une culture d’entreprise qui n’est pas faite pour moi, to put it mildly.

 

Donc, à peine deux interviews ont eu lieu, dont une à Beerse, et ensuite plus rien. Je n’en ai parlé à quasiment personne, si ce n’est à mes proches.

 

Pourtant, lors d’une autre visite hospitalière à mon ancienne Alma Mater, quelques semaines plus tard, un homme « bien mis » m’a abordé dans les étages pour me dire qu’il savait que j’allais « suivre » l’EPO et qu’il était intéressé à se procurer des doses, me faisant comprendre qu’on pourrait me défrayer. J’ai répondu, réellement interloqué, que son information était partiellement exacte mais que j’avais décliné le poste et ne pourrais en aucun cas lui être utile.

On ne m’a jamais rien demandé par la suite.

 

Vous en déduirez ce que vous voulez. Quelques pistes : les deux fois, j’ai été approché dans des endroits publics que je connaissais bien et où j’étais connu. Il s’est passé très peu de temps entre la proposition de la firme pharmaceutique, mes contacts officiels avec elle et notre constat de non-faisabilité. Et c’est très peu de temps après qu’on a clairement essayé de m’arracher des doses. Cette « entrevue» avait lieu en plein coeur d’une zone de courses de kermesse.

 

Le hasard a voulu que Léon

ne devienne pas empoisonneur public

d’athlètes de haut niveau.

Tant mieux et vive le

Domaine de la Coume Majou.

Ne suivez pas le déroulement du Tour de France :

Professional sport can seriously damage your health !

 

 

 

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Commentaires: 2
  • #1

    Mike (lundi, 03 juin 2013 10:35)

    Témoignage intéressant des coulisses des labos pharmaceutiques. Cette fois, ils ont fait choux- blanc mais ça doit fonctionner dans la plupart des cas malheureusement.

  • #2

    Luc Charlier (lundi, 03 juin 2013 10:53)

    Je ne sais pas si ce sont les labos qui étaient « derrière ». La firme Cilag cherchait honnêtement un collaborateur qualifié et a d’ailleurs engagé quelqu’un sur ce poste. En plus, il s’agit d’une molécule apportant réellement un progrès en termes de santé. C’est rare.
    Moi, je crois qu’il y a eu une fuite soit au sein du bureau de chasseurs de tête, soit dans la firme et que ce « tuyau » aurait permis à des équipes sportives de mettre la main sur ce produit extrêmement rare à l’époque. Il est évident – enfin, j’espère – que moi je n’aurais jamais marché dans la combine.