LE PONT SAINT-BÉNÉZET

 

 

« Sur le pont d'Avignon
L'on y danse, l'on y danse
Sur le pont d'Avignon
L'on y danse tous en rond
Les vignerons font comm' çà
Et puis encore comm' çà ... »

 

 

 

Un pont devait jadis relier Villeneuve à Avignon, fait de planches et d’ingéniosité, depuis la présence romaine. On jeta par-dessus quelques piliers reliés par des passerelles et c’est ainsi que les braves gens – les autres aussi – pouvaient traverser le fleuve à partir de 1184, grâce à un berger.

 

C’est ici qu’intervient – indirectement – ma région du Fenouillèdes, proche de cette Aude si riche en châteaux dits cathares. Ben oui, da. Simon de Montfort – vous savez, le pote à Philippe Auguste – se fait esbaudir d’un jet de pierre qui l’atteint en pleine tête, alors qu’il tente de prendre Toulouse à Raymond VI, revenu enfin au bercail. Bien fait pour lui, moi je tiens du côté des Trencavel. On est en 1218.

 

Qu’à cela ne tienne, son fils Amaury continue la lutte pour le compte du roi de France, avec des fortunes diverses. Lorsque celui-ci meurt, son fils Louis VIII, plus belliqueux, influencé aussi par sa meuf – la Blanche, celle de Castille – redouble d’aggressivité contre les Cathares, malgré l’engagement de la maison de Toulouse-Foix et de celle de Trencavel de « purger » leur territoire de mes amis manichéens. Le « bon roi » veut en fait s’approprier la richesse du Païs d’Oc (Cocagne etc...), comme son arrière-petit-fils, Philippe le Bel, le fera en dépouillant les Templiers. Il prend la croix contre l’hérésie, comme on disait alors, et arrive à Lyon fin mai 1226. Il entreprend de descendre le Rhône, exactement comme les skinheads de mesdames Boutin et Lepen à présent, et les villes ouvrent leurs portes l’une après l’autre, sauf Avignon, riche et craignant les exactions de la soldatesque. La ville devra capituler le 9 septembre et le roi y entrera le 12. Si les vivres avaient tenu quelques jours de plus, les crues du fleuve (survenues le 17 septembre) auraient noyé les assaillants.

 

Au cours du siège, la majeure partie du pont est détruite.

 

Il sera rebâti par la « Confrérie de l’Oeuvre du Pont », 24 religieux reprenant l’ouvrage de Saint-Bénézet (voir billet suivant) : 22 arches et 900 mètres de long. On s’inspire à l’époque des techniques utilisées pour le Pont du Gard, douze siècles plus tôt. Si les architectes de l’aérogare de Roissy-en-France avaient eu cette sagesse, on aurait peut-être évité l’effondrement de sa structure !

 

Lorsque les papes investissent Avignon au 14ème siècle, cet ouvrage prendra une importance colossale. En effet, d’après Pétrarque – que nous avons retrouvé à Lombez (voir ICI) – la ville était devenue « la plus puante et la plus infecte de toute la terre », mais on sait la haine du Toscan pour la « Nouvelle Babylone ». Or donc, les cardinaux, les pontifes et leurs hôtes avaient déplacé leurs quartiers vers Villeneuve qu’ils ne quittaient que lorsque le Palais des Papes les y forçait. On dit qu’un florin d’offrande était déposé à la Chapelle de Bénézet lors de chaque passage. On dit aussi qu’une « halte-prière » permettait de se recueillir un instant car la traversée était dangereuse (?), notamment par temps de gel, comme en attestent de nombreuses chutes dans le fleuve.

 

En 1377, le tablier du pont est enfin pavé et il tiendra jusqu’au 17ème siècle avant de s’effondrer. Petit à petit, la structure s’était détériorée et on avait en plus ouvert des « dégorgeoirs » pour permettre l’écoulement des surplus d’eau en cas de forte crue, ce qui affaiblit encore plus l’ouvrage.

 

On dit que le Roi Soleil fut l’un des derniers à le traverser.

 

 

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