PAS SI SIMPLE QUE ÇA !

Un patchwork
Un patchwork

Des discussions font rage sur les blogs que je consulte régulièrement, les uns voyant principalement dans le « goût de terroir » une expression de la nature chimique du sol, les autres allant au contraire jusqu’à nier tout lien entre le site du vignoble en lui-même et les caractéristiques

organoleptiques du cru produit.  

 

 

Vous vous doutez bien que ces deux extrêmes caricaturaux ne rendent pas compte de la réalité. Même plus, on lit sous des plumes « autorisées », mais vous connaissez mon scepticisme envers les gourous et autres mandarins, des choses comme : les sols calcaires, souvent très alcalins, donnent naissance à des vins acides !

Notez que, dans la pratique, il est vrai que pas mal des bons blancs de la Côte de Beaune, pour ne prendre qu’un exemple, proviennent de chardonnay planté dans les parcelles à plus haute teneur en calcaire, et c’est leur surplus d’acidité qui leur confère cet équilibre. Mais l’explication, car il y en a évidemment une, tient à beaucoup d’autres facteurs et ce n’est pas le pH élevé du sol qui induit - image miroir ? – une acidité élevée dans le vin (= un pH bas).

 

Mais laissons-là ces errances pour ne retenir que la passion que ces notions déclenchent chez le lecteur et chez les auteurs : tant mieux pour le monde du vin. Moi, je voudrais – nombrilisme coupable ou souci de vous informer mieux encore sur notre modeste petit domaine – vous dresser le tableau des « influences de la parcelle sur le type de vin obtenu ».

Cela ferait un beau titre de thèse pour un candidat oenologue. Plus humblement, à l’aube de mon neuvième millésime, je crois avoir fait le tour de la typicité des différents sites où je travaille. Et tout repose sur du « schiste », ou en tout cas ce qu’on appelle ainsi, pour faire simple.

 

Néanmoins, je voudrais poser en préalable que la charge en raisin n’est pas la même partout, que la date de vendange n’est évidemment pas la même partout, que le propriétaire précédent n’a pas été le même partout, que l’âge de la vigne n’est pas le même partout, que la quantité de pluie tombée sur les différents sites est différente, que ..... Vous m’avez compris, les variables sont complexes à l’infini. Par contre, c’est la même cave, avec le même bonhomme, le même schéma de vinification au départ, les mêmes soins, la même hygiène et le même élevage à la phase initiale.

 

Nous distinguons quatre types de grenache différents et trois types de carignan, répartis sur 5 entités géographiques au sein de 2 communes.

 

Pour les détails, je vous renvoie à la page spéciale sur notre site (ICI).

 

Pour simplifier les choses, je décris d’abord les différences entre les grenaches – et lladoner pelut, car le distingo est subtil – d’Estagel (ceux du Roc Blanc) et les grenaches de « Maury », même si ces derniers sont en fait situés sur la commune de Saint-Paul-de-Fenouillet, à sa limite. Ceux d’Estagel, « d’en bas » même si le Roc Blanc constitue un promontoire, présentent un caractère plus « fauve », goudronné, de garrigue, tandis que ceux « d’en haut », de Maury, offrent plus de fruit. C’est chaque année ainsi et j’en tiens compte pour mes assemblages. Après, chaque parcelle a ses propriétés, que je retrouve systématiquement, année après année.

 

Ensuite, nous nous intéressons aux carignans, tous estagellois. Le plus fin, le plus suave, provient bien entendu de la Loute, tout au sommet de la Coume Majou. Ici aussi, on ne doit pas dire que tout résulte de l’âge de la vigne. Je pense plutôt l’inverse : si elle a résisté si longtemps, c’est sans doute que le bon matériel végétal a été planté au bon endroit, que ses premiers vignerons l’ont bien conduite dans sa jeunesse, que les générations suivantes ne l’ont pas maltraitées et qu’enfin, Léon la chouchoute comme il faut.

A « Cruels », la parcelle la moins ensoleillée donne un carignan un peu âpre, même à la fin de septembre et même quand il « rentre » à 15 degrés potentiels. Par contre, la petite parcelle de devant éclate de fruit et de douceur. En 2012, elle ne portait quasiment pas de raisin : pourquoi ? Mystère.

A « Fourtou », le jus est plus simple, plus fluide au goût.

Enfin, sur le Roc Blanc, cette même dureté qui prévaut avec le grenache se rencontre, mais à un degré moindre, chez le carignan. Effet du sol, effet de l’ensoleillement, effet de la sécheresse .... ?

 

 

Donc : goût de terroir lié directement à la chimie du sol,

sans doute pas, mais certainement influence

de toutes les conditions particulières à chaque parcelle,

qui la rendent différente des autres.

 

 

 

 

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Commentaires: 3
  • #1

    David Cobbold (mardi, 19 février 2013 06:34)

    Histoire d'o, et d'exposition ?

  • #2

    bembem (jeudi, 28 février 2013 08:16)

    On est ce qu'on mange. Le sous-sol, le terroir, nourrissent la vigne. Les propriétés que vous retrouvez année après année ne peuvent être dues aux variables (ensoleillement, pluviosité, températures, et date de vendanges), puisqu'ils varient d'année en année alors que, par contre, le vin conserve les mêmes propriétés, quoiqu'il se passe. Les variétés de ceps, leur âge, leur exposition sont des données fixes. La charge du cep et la conduite de la vigne sont maîtrisables et ne tiennent qu'à vous ; au moins il y a de grappes, au plus on concentre. Et si c'est le même bonhomme et la même vinification, c'est donc à chaque fois la même influence et les mêmes conséquences sur le résultat final. En résumé, ce goût et cette typicité des parcelles que vous retrouvez année après année, quelques soient les conditions météo aléatoires, sont la résultante du type de cep et de l'exposition de la vigne, du type et de la composition du sous-sol, du type d'élevage et du type de vinification. Faites amener 10 tonnes de sable et plantez-y les mêmes cépages, le résultat ne sera pas le même du tout ! Vous constaterez alors ce que le Schiste apporte vraiment à votre vin.

  • #3

    Luc Charlier (jeudi, 28 février 2013 08:56)

    Merci de cette contribution – même si j’aurais préféré un nom à un pseudo. Enfin, comme ce dernier pseudo renvoie à un site (intéressant en plus), je pardonne cette faute de goût.
    Ta contribution nous ramène toujours au même point, et je ne crois pas avoir écrit autre chose, ni Hervé Lalau, Ni David Cobbold, ni même Deiss, alors que nos plans de congruence ne sont pas légion.
    Personne ne nie que le « schiste » détermine, avec d’autres facteurs, le style de vin que l’on va élaborer. Je vous fais même un aveu : je n’ai acquis QUE du schiste et le voulais ainsi. Mais un deuxième aveu est tout aussi obligatoire : il n’y a pas UN schiste, c’est une roche composite et changeante d’un endroit à l’autre. Au Roc Blanc, où j’ai fait faire une analyse de sol pour déterminer ma politique de fumure, le labo a d’ailleurs répondu « marnes » et toute une série de qualificatifs. Or, c’est vraiment les gros blocs de schiste brun comme on en voit dans la vallée du Douro, ou à Faugères etc .... Les schistes d’Andlau, ou de Bernkastel, ou de l’Alentejo sont TOTALEMENT différents.
    Ce que nous disons, c’est que le schiste ne donne pas, comme par une réaction chimique, naissance à des composants aromatiques particuliers. Il crée, par contre, des conditions physico-chimiques différentes d’un argile profond, de limons très sableux etc .... Et il peut être proche de certains sols calcaires (Muschelkalk par ex.) alors que lui est souvent très acide, tandis que les calcaires sont généralement alcalins.
    Le fameux « goût d’hydrocarbures » de certains rieslings, et le côté « croûte de fromage » de Montlouis ou parfois de Vouvray, ce n’est pas la « marque du terroir ». Ce sont des dérivés d’acide malique – lisez de maturité insuffisante du raisin. Partant, ce sera plutôt les sols froids ou se réchauffant lentement qui les entraîneront. Et, en plus, c’est parfois délicieux. Je me souviens – syndrôme de l’ancien combattant – d’un Clos Ste Hune 1976 bu au restaurant « Les 3 Marches » à Versailles (il a déménagé entretemps) après être allé au Caves Particulières de Paris en 1988 : le sommelier avait eu le tact de nous prévenir et on s’est régalé, mes amis et moi (une bouteille pour 6 convives). Toutefois, généralement, je préfère ne pas rencontrer de ¨Petrolgeschmack ».