ELLE EST TOUTE ROUGE, LA CIVALE !

Un faciès écarlate
Un faciès écarlate

 

 

 

 

 

Désolé pour le cliché de Christine en ce jour anniversaire :

j’ai essayé d’atténuer le rouge

de ses arcs zygomatiques

et de son front

en « photoshoppant » un maximum, mais rien n’y a fait.

(voir explication plus bas *)

 

 

 

 

 

 

 

 

Nous tenons à rendre visite à nos clients le plus régulièrement possible. C’est une manière de les remercier de la confiance qu’ils accordent à nos vins, c’est une manière de suivre leur cuisine et de pouvoir mieux cibler, dans notre gamme, les cuvées que nous allons proposer à la dégustation suivante et c’est une manière de .... se faire plaisir. Dans le département, nous n’avons sélectionné qu’un tout petit nombre de tables comme clients réguliers et pérennes, même pas une dizaine en fait, et essayons de nous asseoir chez eux au moins une fois l’an. Mon embonpoint – et les liquidités souvent défaillantes du compte courant – limitent notre enthousiasme quand il déborde.

 

Hier soir, ce fut l’Auberge du Cellier de Pierre-Louis Marin, notre voisin sur Montner, qui accueillit nos agapes jubilaires. Ce n’est pas faire injure aux autres que dire qu’il compte – en fonction des préférences et des goûts de chacun – facilement parmi la demi-douzaine de meilleures tables des Pyrénées Orientales. J’ai dû y manger une dizaine de fois, avec des publics très différents, et ce depuis le début du millénaire, et notre impression ne s’est jamais démentie.

 

Hier soir, nous avons décidé de faire confiance à deux de mes petites manies : un très bon vin blanc local (les Vieilles Vignes du Roc des Anges, blanc 2010, vinifié à 100 m de la cuisine) et ... l’inspiration du chef, dans son menu surprise

« Menja i calla » - littéralement « Bouffe et boucle-la ».

 

Nous avons commencé par un fumet mi-bisque mi-soupe de poisson extrêmement savoureux, avec, je crois, un peu de crème surette dans le fond, un minuscule salpicon de foie gras et des pignons de pin rissolés (ou quelques pistaches ?). Très dense, exquis.

 

Le foie gras - très peu cuit, très pâle, très ferme – vient accompagné de ... turron catalan et de graines de grenade. Ces dernières sont la seule chose que j’aie laissé sur l’assiette : je n’en raffole pas et, au même titre que les noix, elles seraient un symbole de fertilité. A mon âge, je m’en passe !

 

Ensuite, ce fut une composition qui m’a plu par son côté réellement baroque. Nous avons eu ici d’excellents artisans dans ce style : Josep Sunyer (voir le retable dédié à Pierre de l’église de Prades) comme sculpteur et Hyacinthe Rigaud parmi les peintres. Verra-t-on à présent éclore un « chef baroque » en la personne de l’homme de Montner ? Il s’agit d’un « caillé » de chèvre très frais, appelé ici fromaget, surmonté de magret de canard fumé, de chips d’ail à la mode « all cramat », le tout nappé à volonté d’un velouté de topinambour. Très original, très goûteux, très inattendu. J’allais moi-même, du temps où l’excellent Pierre Fontaneil me prêtait un minuscule studio (20 m2) à front de rue au centre d'Estagel, chercher ce fromaget à l’arrière du vieux C15 tout pourri de Georges Bernadas, le dimanche matin. Il en ramenait « un bon peu » depuis sa fromagerie sur la route de Tautavel et nous étions pas mal d’amateurs à l’attendre en face de la statue d’Arago, notre petit ravier à la main. En effet, il transvasait directement le fromage de ses moules dégoulinants de petit-lait vers notre vaisselle perso. Plus « fermier » que cela tu meurs. Je suppose qu’il a obtenu entretemps l’agrément pour son « laboratoire » afin de pouvoir livrer les restaurateurs, ou alors ... on fait avec. Très très savoureux.

 

[Pour la petite histoire, ami lecteur, sache que le topinambour contient beaucoup d’inuline, comme l’artichaut, la chicorée, le pissenlit ... Il s’agit en fait d’un polysaccharide non assimilable tel quel par notre grêle. Le gros intestin le transforme .... avec toutes les émanations que vous pouvez imaginer, et sa flore s’en trouve ragaillardie (= prébiotique). Par contre, notre glycémie à nous n’augmente pas d’un iota, merci pour mon insuline ! Il s’agit donc en fait d’ une « fibre alimentaire soluble ».]

 

Après cela, un classique – mais succulent – merluchon de ligne alla trôner sur une escalivade (potimarron, chou-fleur, broccoli et poire de coing) et, ad libitum à nouveau, on le pare soi-même de la quantité désirée d’une espèce de beurre blanc d’agrumes. J’ai terminé le petit pichet de sauce sur du pain !

 

Enfin, pour finir le « solide », ce fut le filet de lièvre – d’élevage précise tout de suite le chef, car il semble que les locaux ou bien n’aiment pas la saveur prononcée du lièvre sauvage ou bien .... le tirent eux-mêmes ! Amusante présentation en deux longues sangles lovées sur elles-mêmes, avec les sucs de cuissons déglacés et servis à part, et comme une résille de chanterelles entourant une mousseline de pomme de terre au céléri.

 

Mon diabétologue m’interdit de décrire le dessert quand je vais au restaurant. Ici, il y en eut .... DEUX et je peux quand même vous révéler que le second est un soufflé.

 

Epilogue : vous avez compris que nous avons excellement dîné et la litanie des plats ne nous a pas alourdis outre mesure. Les portions sont servies de manière à pouvoir les savourer ET arriver au bout néanmoins. Le gourmand que je suis aurait même accepté une repasse de poisson : « Le poisson, c'est léger à digérer, n’est-ce pas, Madame ! ».

 

Il est difficile pour un producteur de se permettre des remarques sur les cartes des vins : les restaurateurs sont chez eux. Toutefois, certains « margent » exagérément et surtout, de manière uniforme et sans discernement.

Ici, « au Cellier » la carte est très fournie en vins des environs – complétés de ce qu’il faut d’ailleurs – et les prix sont étudiés. Vous trouverez PLEIN de bouteilles

en-dessous de 30 € sur table et celles qui dépassent ce seuil bénéficient d’un coefficient attractif. Exemple à suivre et bravo à toute l’équipe pour cette attitude.

 

 Merci aussi à Patrick, au chef et à Béatrice

– par ordre d’apparition, comme on dit –

de s’être si bien occupés de nous.

 

 

*:  Il ne faisait pas froid dehors avant que nous n’entrions dans la salle bien chauffée et l’apéritif s’est limité pour Christine à un verre de Banyuls de la coop. l’Étoile, de qualité ; pas d’excès de ce côté-là. D'où lui viennent ces belles joues rouges ? 

 

 

 

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Commentaires: 3
  • #1

    plm (mardi, 18 décembre 2012 09:55)

    merci pour ce merveilleux essai. Très émouvant, le passage sur Georges Bernadas... c'est exactement ça!

  • #2

    Luc Charlier (mardi, 18 décembre 2012)

    Je précise, 60 heures plus tard, qu’aucune grossesse ne semble en route chez Christine.
    Nous ne souhaitons d’ailleurs pas d’autre enfant. J’ai bien fait de ne pas croquer les graines de grenadine !

  • #3

    FFP (vendredi, 25 juillet 2014 15:47)

    Très joli texte.
    Merci pour cet hommage à Georges