ARGELÈS, ON N'Y VA PAS PAR HASARD

Un BON coup de fourchette !
Un BON coup de fourchette !

La Côte catalane a opté le plus souvent pour un tourisme de masse : des mobil-homes en pagaille, des caravanes, des campings gigantesques, du bungalow ....

Argelès se pose presque en star du

« tout bu, tout bronzé ».

Si « ça sent la bière de Londres à Berlin ... » et si « ça sent la morue jusque dans le coeur des frites ... » comme au fil des chansons de Brel, la paroisse de M. Aylagas offre sur sa frange littorale l’image estivale d’une faune du nord européen en quête de rayons UV à haute dose, de pastaga, de mauvais rosé pas cher et de bières pour desperados. Pas trop mon truc : Highly NOT recommended !

 

 

 

 

Par contre, la partie d’Argelès-sur-Mer qui constitue la bourgade « à l’année », 10.000 âmes environ, s’est transformée en une décennie en un dédale de petits rues enchevêtrées fort sympathique. Les facades ont été restaurées, les commerces sont nombreux, les petits squares aussi et on a détourné le gros de la circulation hors du centre ville. Il n’est d’ailleurs pas facile de s’y garer. Il y a une salle de cinéma, dont le sous-sol abrite un club d’escrime, et on s’enorgueillit d’y avoir vu naître Nicolas Mas et la famille Lièvremont – des internationaux de rugby – et surtout le regretté Jordi Barre, le chantre de la ballade en catalan du nord, le parler local des anciens.

 

Pour autant, on ne va pas à Argelès si on n’a pas une raison particulière de le faire.

Nous en avons au moins deux : livrer nos deux clients restaurateurs et aller nous attabler chez eux.

 

Ce billet va vous parler du plus « ancien » des deux, je veux dire celui que nous connaissons depuis plus longtemps : le CAYROU.

 

Un « cayrou », ici, désigne cette petite brique d’argile cuite, plate et pleine, qu’on intègre dans les facades des maisons, entre les gros galets de rivière et le mortier, pour constituer l’encadrement des fenêtres, les arêtes des murs et toutes sortes de motifs géométriques ou bien ... géo-anarchiques. Regardez la devanture du restaurant et vous comprendrez son nom.

 

Nous avions découvert ce lieu, Christine et moi, un jour de promenade, et avions été charmés par la décoration de la salle d’abord, oscillant entre une impression de vide organisé et d'espace et une atmosphère de maison de poupée, par la gentillesse de la maîtresse des lieux, Rolande, et par l’assiette du chef, Cyrille Domagala.

Nous avions aussi analysé la formule qu’ils ont choisie, et que beaucoup de leurs collègues commencent à adopter : un travail en couple (parfois avec une aide en cuisine je suppose et quelqu’un pour la plonge) associant des menus très personnels, variant souvent, et proposés à un petit nombre de dîneurs seulement. En cette période où plus personne n’est assuré de « remplir sa salle » et où le mardi peut faire « bingo » mais le jeudi un fiasco, sans qu’on sache pourquoi, c’est une bonne manière de gérer le problème des approvisionnements – nos clients travaillent le produit frais, bien entendu – et de limiter les coûts du personnel et son absentéisme.

 

A notre deuxième visite – je me souviens encore d’asperges poelées délicieuses – nous avions lié connaissance et ... le décor avait changé. Ensuite, notre Mosellan – des environs de Volmerange si mes informations sont correctes – et Rolande - qui voit elle du sang cap-verdien couler dans ses veines – ont passé leur temps à faire un premier enfant, puis des jumeaux. A leurs moments perdus, ils ont à nouveau refait la décoration et ont modifié la carte des vins, puis à nouveau, puis à nouveau. En même temps, ils se cherchaient une clientèle ... fixe : il n’est jamais facile de s’imposer loin de sa contrée d’origine - et encore moins en pays catalan ! – surtout que la cuisine du chef est résolument inventive, délicate, aromatique et ne ressemble en rien aux boulettes, potées, marinades et autres plats, certes savoureux, mais souvent un peu frustes, qu’on vous sert par ici. Nous avons l’impression que nos deux compères ont à présent réussi un amalgame d’équilibriste, entre une vie familale qui leur va bien, une certaine liberté au niveau de la carte et la fidélisation des gastronomes locaux : on est toujours surpris en s’attablant au Cayrou – comme du temps où Eric Planes officiait dans son August’Inn – mais ils ont su faire comprendre que ceci fait partie des plaisirs de la table. Pour la seiche jetée sur une plantxa et abondamment aspergée d’huile d’olive de type « fruité très-très mûr », et son inévitable aïoli, ce n’est pas la bonne adresse.

Ah oui, même Bibendum leur a donné un coup de main sous la forme d’un « Bib gourmand » bien mérité.

 

Il y a dix jours, un joyeux groupe d’amateurs de vin belges, dont certains sont des copains de longue date, sont venus en célibataires s’imprégner de bons jus roussillonnais (Domaine de Rancy, Domaine Gardiés, Château de Rey et votre serviteur en guise de trait d’union), entre deux atterrissages de la compagnie low-cost qui dessert La Llabanère. Ils ont fait bombance chez Christophe Comes le premier soir, découvrant même le denti, ce grand carnassier des bords rocheux, et ont eu l’amabilité de nous convier « quelque part de bien » le lendemain, sous mon entière et lourde responsabilité. Et ce fut Argelès, où Cyrille me proposa de lui passer un petit coup de fil l’avant-veille de manière à peaufiner les accords avec le vin :

-         « Allô, Cyrille Domagala ? C’est Coume Majou ».

-         « Oui, bonjour. Je me suis dit, si on faisait un menu autour d’une déclinaison de homard, cela vous irait ? »

This type of offer you cannot refuse et j’ai donc vérifié – subtilement, vous me connaissez – que personne ne souffrait d’intolérance aux crustacés. Le soir convenu, nous avons donc hérité, outre la mise en bouche en attaque et un fantastique flan/mousse à la brousse et aux champignons plus un dessert de circonstance en sortie, d’une triplette homardière consistant en (i) une bisque des plus onctueuses, (ii) la chair des pinces profitant d’une émulsion faisant la part belle au safran (de Maureillas, car à Las Illas et à Sahorre, les P.O. sont producteurs de ce condiment de prince) et, pour faire bonne mesure, (iii) les queues en guise de plat de résistance. Et tout cela dans le budget d’un menu !

 

J’ai oublié de vous dire qu’on nous a servis à une table disposée en plein centre du restaurant .... dont la décoration était en pleine mutation, once again ! Les patrons – vous l’aurez deviné - sont aussi charpentiers, décorateurs, stukadoor (= plâtriers) ... et ils ont repoussé les murs et refait tout le design juste à temps pour notre venue. Par contre, ils ne sont pas frigoristes et les câblages de la clim. n’avaient pas encore été dissimulés. Rassurez-vous, nous n’avons pas dû esssuyer les plâtres, simplement nos babines réjouies après ces agapes.

 

C’est le Blanc de Majou, notre petite Cuvée Civale, qui a accompagné l’essentiel du repas, mais pas exclusivement.

 

 

Tout le monde est reparti plus que content :

ils ne sont pas difficiles, ces Belges !

Merci à la Moselle gourmande et Obrigado Cabo Verde.

 

 

 

 

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