UNE EXPÉRIENCE HALLUCINANTE

Art premier ?
Art premier ?

 

 

 

Voici sans doute le billet le plus étrange à ce jour.

 

Je vous ai déjà présenté quelques amis personnels sur ce blog.

Parmi eux, Marc et Anne constituent un cas à part. Ils m’hébergent fréquemment lorsque je passe par Luxembourg-ville, leur lieu de travail, qui constitue en fait une très mauvaise étape pour moi,

bien trop proche de Bruxelles et

 bien trop lointaine de Corneilla.

 

 

 

 

 

Toutefois, je la fréquente beaucoup : elle coupe quand même de deux bonnes heures - les pires, ce sont celles qui dépassent les 1000 bornes dans la journée au volant d’un lourd pick-up de conception anté-diluvienne (le Mazda 2500, un Ford relooké) – mais surtout, elle me permet de passer un bon moment avec eux.

 

Notre rencontre initiale fut curieuse : je ne reviendrai pas sur les détails, il suffit simplement de rappeler qu’elle eut lieu au musée Cantillon, en présence entre autres du regretté Didier Dagueneau, et qu’elle remonte à la fin des années ’80. Avec Anne, le courant passa immédiatement ; Marc et moi avons mis plus de temps à nous apprivoiser l’un l’autre, puis à nous apprécier, et enfin à lier des rapports amicaux. Un grand chagrin familial l’a touché à une époque où je passais moi aussi par des maelströms psychologiques et j’ai pu alors pénétrer au coeur de sa sensibilité .... qu’il cache bien.

 

Nous ajouterons encore qu’ils sont ingénieurs commerciaux tous deux, occupent depuis longtemps des postes de responsabilité dans des grandes entreprises multinationales, ne partagent pas du tout mes vues politiques mais apprécient le vin, la gastronomie, l’art en général, la peinture et la musique en particulier. Ils fument tous deux un « Puro » de temps à autre, ne touchent pas à la cocaïne, fuient l’agro-alimentaire comme la peste et sont entichés d’Italie, pays qui les accueille à tout bout de champ. Normal quand leur puissante berline allemande ne prend que quelques heures pour atteindre ce beau pays. Entre be-bop, Grana Padano, Sylvius Leopold Weiss, Modigliani et Hoyo de Monterey, vous voyez qu’on a pas mal de choses à discuter quand on se voit.

 

Ils se sont entichés – le mot n’est pas trop fort – des oeuvres d’un artiste-peintre résident dans le Vaucluse (allez voir ICI à la page 42). Ils passent souvent quelques jours chez lui et ont acquis, il y a plus de dix ans à mon avis, leurs premières toiles. Je les ai baptisées : « Les Religieuses » car elles me font irrémédiablement penser à ces caquelons à fondue au fromage en céramique boursouflée qu’on vend chez des potiers artisanaux en Savoie ET aussi à la croûte qui colle au fond dudit récipient à la fin des agapes. Leurs trois ou quatre premières acquisitions, très sombres, auraient plu à Permeke et étaient exposées dans des espaces trop confinés. J’ai été taquin et parfois même « lourd » à leur encontre. Je sais que Marc en gardait parfois un brin d’amertume mais, comme c’est quelqu’un d’intelligent et sûr de son fait, il ne m’en a pas tenu rigueur au-delà d’une irritation passagère : c’était moi le Béotien à ses yeux, clairement.

 

A présent, au moins une dizaine d’oeuvres pendent aux murs de leur séjour gigantesque, et les plus récentes revêtent des teintes plus claires, souvent mâtinées de blanc et de gris pâle. Là, sans toujours adhérer au graphisme, je comprends l’émotion esthétique qu’ils ressentent et le leur ai dit, en parfaite honnêteté.

 

 

Lisapo onge … onge:

 

Or, il y a deux jours, j’ai envoyé le lien suivant (cliquez ICI) à mes amis. Il convient à ce stade de préciser que leurs familles respectives ont un passé africain (Congo et Afrique Australe) ; je pense même qu’Anne est née là-bas.

 

Par retour d’e-mail, Marc m’a signalé – hors de propos à première vue –

que leur artiste préféré, à Cadenet, s’appelait M. Zazzi !

What the fuck .... Que voulait-il bien dire ?

 

Intrigué - because he’s not a man of many words - j’ai surfé un peu et les deux illustrations que je vous montre représentent, en haut, la joue droite de mon masque du Lualaba, retouchée par mes soins mais sans déformation majeure et, en bas, la partie centrale d’un tableau exposé en galerie.

Surprenant, non ?

 

Je ne cache pas un tropisme pour la pensée Jungienne, avec le recul du temps qui passe et les réserves qu’il impose. Mais ici, des notions d’art premier et d’inconscient collectif ne peuvent que nous intriguer. Jean Giono aurait aimé cela aussi, je crois.

Le conservateur du Musée Cantini, à Marseille, dit de Jean-Marie Zazzi :

« ... Ce qu’il peint est encore ce qu’il voit, mais au terme précisément de ce cheminement et de cette fatigue qui mettent en sourdine le raisonnement et intensifient la réceptivité aux présences élémentaires de la réalité ».

Au-delà du verbiage, qui me fait sourire, on peut abonder dans son sens.

 

 

Dis-moi, Marc, ton message avait-il un autre sens ?

Ezali likambo ya kosakana te !

 

 

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Commentaires: 3
  • #1

    Marc & Anne (jeudi, 26 avril 2012 10:44)

    Yambo, Habari Gani,

    Bien vu l'artiste. La relation n'était pas évidente mais tu fais partie de la tribu des curieux qui font la démarche d'ouvrir leurs yeux et leurs oreilles pour essayer de se détacher des contingences de ce monde. Le même type d'expérience, même si plus terre à terre, s'offre à ceux qui font la démarche de réfléchir à ce qu'ils mangent et boivent.

    Pour en revenir au thème du jour, les scarifications d’un masque du Shaba(il est très beau !) sont sans doute cousines des traits de la toile, c'est en tout cas ce qu'elles nous évoquent. Zazzi est un artiste très organique!

    Quand tu reviendras, nous te montrerons 2 toiles de Zazzi qui évoquent à Anne l'Afrique et pourraient nourrir le tropisme de la pensée Jungienne.

    Amitiés à Christine et félicitations pour la belle étiquette de "son" vin blanc qui nous évoque immanquablement l'onirisme de Cocteau. Et nous en avons besoin dans ce monde de brutes.

    PS: le grano padano n'est pas à confondre avec le parmigiano reggiano (surtout de di collina et/ou de vacca rosa).



  • #2

    Luc Charlier (jeudi, 26 avril 2012 14:02)

    Et voilà, on est reparti dans l’injustice de ce monde : il y a les humanoïdes qui pensent – parce qu’ils ont voyagé, parce que leurs parents le leur ont appris, parce qu’ils ont souffert ... – et il y a ceux qui consomment. Le « clash » est irréductible (Spanish bombs in Andalusia), obligatoire, obsédant.

    Tu évoques Cocteau, l’un des cerveaux les plus purs du 20ème siècle européen ; moi, c’est le génial Pablo qui me vient à l’esprit. Il était sans doute mercantile, mais quel regard (au propre et au figuré) ! Bon, d’accord, sa fille a vendu la marque à des parfumeurs et au groupe PSA. On fait avec.

    Comme je n’ai pas toujours votre élévation – ni les salaires peu fiscalisés qui ont cours dans votre paradis fiscal, je vais tomber dans du sordide. Ce masque, je l’ai payé 30 €. Je pense qu’il vient effectivement du sud congolais (en container sans doute) et qu’il n’est pas ancien – ça, je m’en contrefiche. Il y a un loyer à payer rue Blaes et, j’espère, un salaire pour l’Asiatique qui tient la boutique. Et puis, il y a les bakshish (c’est du kinois, pas de l’arabe populaire) pour tous les sous-fifres d’Etienne Davignon, annobli par les Saxe-Cobourg-Saalfeld pour cause de malversations en faveur de l’état-CVP de l’époque. Combien reste-t-il à l’artiste, là-bas ?

    Pourquoi l’as-tu acheté, me diras-tu ?
    Bonne question.
    Parce que c’est beau.
    Parce que les « petits plaisirs » sont les seuls auxquels j’accède pour l’instant.
    Parce qu’il est plus difficile d’être « de gauche » (= progressiste) et « écolo » que son contraire.
    Parce que je bois aussi du café venant du Costa Rica, et fume quelquefois un puro habanère.
    Parce que, quand je vends 6,50 € HT ma cuvée principale à l’export, je me situe exactement dans le même créneau de bénéfice.

    Parce que ... le gosse de riches, pas gâté mais privilégié, que je suis trouve enfin que LA VIE EST BELLE !

    PS : on ne peut terminer sans une boutade et un jeu de mot :
    1) Anne m’avait déjà laissé entendre que Jean-Marie était un artiste très orgasmique
    2) Vive le lait d’ el vaca loca (chez Manu Chao, vaca est masculin ????). A Gand, la Casa Rosa, on ne sait pas trop de quel genre elle est !

  • #3

    Luc Charlier (jeudi, 26 avril 2012 14:09)

    Pour ceux qui ont du temps à perdre et qui nous suivent, je ne parle pas les langues d’Afrique Noire, hélas ! Marc et Anne prennent un malin plaisir à me rendre la tâche encore plus ardue en répondant systématiquement en swahili aux bribes de lingala que je balbutie piteusement.
    Khadja Nin, elle, chante dans ces deux idiomes.