BILLET ALLER-RETOUR

Ce toit tranquille, où marchent des colombes, Entre les pins palpite, entre les tombes…
Ce toit tranquille, où marchent des colombes, Entre les pins palpite, entre les tombes…

 

La nuit de jeudi à vendredi dernier m’avait vu rentrer au bercail après 15 heures de route bien remplies. La journée de vendredi fut passée à trier le courrier, ranger des choses et .... récupérer. J’en avais profité pour vous faire quatre petits billets aussi, doux repos de mon âme meurtrie par la longueur de l’effort consenti en chemin.

 

 

 

Ma juste récompense, je l’ai trouvée ce samedi, hier.

J’avais en effet quitté l’un de mes meilleurs amis – il sait que je n’aime pas les classements mais a droit à la médaille qu’il choisira sur le podium de mes préférences – dans son Limbourg quotidien, lundi dernier aux petites heures de la nuit. Or, je suis allé le retrouver, ainsi que sa femme et sa fille aînée, à son hôtel montpelliérain. La demoiselle, que je n’avais plus vue depuis quelque temps – elle est infirmière de salle en milieu hospitalier et donc fort occupée – est née 4 jours après mon fils aîné et sert ainsi de jalon au cours de mon existence tout comme à celle de mon ami.

 

Avec Christine, nous les avons entraînés jusqu’au Mont Saint-Clair, seul endroit de la frange côtière entre Cévennes et Méditerranée où le ciel ne fût pas trop menaçant. Une ballade sur les quais, sans but, en devisant et hop, nous voilà qui montons la colline. On atteint vite la corniche et sa belle vue sur les ferries en partance vers le Maroc, sur les chalutiers immenses achevant d’exterminer le peu de faune marine que la « Mer des Grecs » possède encore et sur les plaisanciers de la marina.

Enfin, nous débouchons sur la baie vitrée du seul étoilé Michelin de Sète, récemment inauguré, 12 couverts entassés dans une pièce minuscule et cuisine «derrière le comptoir » à trois mètres des dîneurs, dont le patron fit si piètre accueil à Christine lors de sa récente visite. Néanmoins, beaux joueurs, nous souhaitons tout le succès possible à Anne Majourel : l’endroit est magifiquement situé, le cadre est original, le concept aussi et il paraît que c’est une bonne professionnelle au piano.

A 50 mètres de là, une pancarte vous indique que Georges Brassens n’est pas enterré ici, mais que vous entrez à présent dans .... le Cimetière Marin.

Par contre, Paul Valéry, le fidèle adepte de Stéphane Mallarmé,

et Jean Vilar y reposent effectivement.

 

« Si mes vers sont moins bons que les siens,

J’espère au moins voir mes cendres s’éloigner au lointain .... »

 

De retour à la voiture, après que mon ami eût tancé vertement – avec beaucoup d’à-propos – une jeune mère qui incitait son fiston (4-5 ans tout au plus et mignon par ailleurs) à taper sauvagement à coups de pied un mannequin de paille destiné à animer une rue commerçante, nous avons mis le cap sur Pézenas. Après le grand symboliste, c’est le fantôme de Jean-Baptiste qui a plané sur nous pendant quelques heures. En effet, entre 1650 et 1656, l’Illustre Théâtre a régalé de ses facéties les tréteaux de la Grange des Prés (non, pas la Grange des Pères), alors que c’est justement le Prince de Conti, maître des lieux, dont le dramaturge se moque dans son Tartuffe. La soirée s’annonce, la lumière baisse, un petit crachin fin s’abat quelquefois sur nos fronts (garnis ou dégarnis, c’est selon) mais la magie des lieux opère. Toutes ces façades que je m’échine à appeler « renaissance » - une simplification – nous offrent leurs fenêtres rectangulaires aux encadrements si harmonieux, leurs cours intérieures – vestiges des « impluvium » gallo-romains - aux marges bordées de terrasses ou d’escaliers en spirale, leur « pierre de France » (= du Gard), grès jaune fort friable mais qui sait prendre des tons changeant au fil de l’évolution de la lumière.

J’aime à perdre mes pas dans cette ville, de la Maison des Templiers (devenue plus tard Hospitalière) à l’enceinte du Château, bâti par les Celtes et détruit sur ordre de Richelieu lors de la révolte de Gaston d’Orléans (alias « Monsieur »), le benjamin de Louis XIII. J’aime à arpenter le ghetto, où résonnent encore les clapotis de l’eau du מִקְוָה (mikveh) et ... j’aime surtout à y rejoindre un de nos clients favoris (voir le dernier cité de mon billet du 10 avril). C’est d’ailleurs ce que nous avons fait !

 

On salue les compères Lionel et Paul qui font vivre une adresse

(Bib gourmand très mérité cette année) comme on souhaite en rencontrer

plus en Languedoc :l’Entre Pots.

En salle, Lionel Albano vous accueille d’un air faussement nonchalant. Tout est en place pour la représentation et les convives arrivent petit à petit : beaucoup de tables de deux, en tête-à- tête et, très vite, les bouteilles se rangent sur les tables. Un des attraits du lieu, en parallèle avec le menu, réside en effet dans sa carte des vins. Elle change progressivement mais reste fidèle aux valeurs locales – petits nouveaux compris. Et on sait vous y conseiller, sans avoir l’air d’y toucher. Dans notre cas, ce fut pourtant difficile : mon ami – appelons le Michel puisque c’est son prénom – a déjà tout bu dans sa vie, se fout de l’étiquette et de la notoriété du vin mais exige la vraie qualité et ne rechigne pas à se faire « surprendre » à l’occasion par quelque chose d’insolite, d’inédit. En outre, cinq à table : il a fallu accorder des blancs (notre souhait) à des mets aussi variés que des sardines, des verrines au fromage, du tartare de veau, du dos de cabillaud, des asperges, du thon à peine cuit et encore du veau, mais rôti rosé cette fois ... Et cela a marché. Merci, Lionel l’Echanson.

Pour la cuisine, Paul Courtaux arrive à marier simplicité et couleur locale, inventivité et harmonie. En plus, il respecte à la virgule près les cuissons demandées. Et un satisfecit supplémentaire pour le baba au rhum, à la pâte exquise et servi ... - je ne vous dévoile pas la surprise - pour lequel vous pouvez choisir parmi pas moins de quatre rhums ambrés, ne provenant pas des Antilles françaises, fait rarissime dans l’hexagone cocardier.

 

La journée s’est achevée sur la route de Montpellier d’abord, où j’ai adroitement dirigé Christine qui tenait le rôle de Bob. Ensuite, après avoir pris congé de nos amis, j’ai aussi pris le volant de notre bolide pléthoro-kilométrique, mon alcoolémie ayant alors retrouvé des taux adaptés aux souhaits de M. Evin et à la raison, je l’admets.

 

C’est dans la famille de Christine à Capestang, où tout le monde a du sang italien et/ou espagnol, que nous avons passé la dernière nuit pré-électorale. Cela m’a paru très annonciateur du barrage

que feront, j’espère, les Français à Madame Lepen.

 

 

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