LE « FLOTJESWIJN »

Un "Loi Evin-truck"
Un "Loi Evin-truck"

 

 

 

En « belge de Bruxelles », on connaît la flotjesbier,

une pils sans saveur

et faible en alcool ;

de la Heineken®, quoi !

 

 

 

 

 

Regardez mon illustration : on nous propose maintenant, de manière très promotionnelle, avec e-mails, coups de téléphone « à la télémarketing », brochures envoyées par la poste etc ... de désalcooliser nos vins. Après le cracking du pétrole, voici celui du vin. Notez que, dès que les machines à osmose inverse ont eu fait leur apparition dans le but de concentrer les moûts (mi-années ’80 pour les premières, 1990 au Château Léoville Las Cases, 1993 à l’Angélus ....), il était évident que ceci pouvait suivre.

 

Voilà donc venu le règne du FLOTJESWIJN.

 

Quelques remarques préliminaires 

 

. Je ne recherche pas systématiquement le haut degré alcoolique for the sake of alcohol.

Pour preuve, quand je bois du vin blanc, c’est au moins une fois sur deux une bouteille de riesling. Ce cultivar, à maturité tardive et souvent implanté dans les vignoble septentrionaux, ne « donne » pas beaucoup d’alcool, sauf à le laisser se botrytiser, mais c’est une autre histoire.

Autre indice, alors que j’ai usé mes semelles dans le Bandol pendant 20 ans, mon rosé à moi est très faible en alcool (entre 11 et 12 vol % suivant les millésimes) car j’ai ici le choix. Et mes deux premiers blancs tournaient autour de 13 vol %, car le macabeu est bon à ce niveau-là.

Donc, un point est posé : Luc Charlier ne recherche pas l’alcool en lui-même.

 

. Les vins « forts en alcool » ne sont finalement pas beaucoup plus toxiques que les vins moins alcoolisés.

Expliquons-nous : si vous buvez une demi-bouteille de vin à table – ce qui est déjà « confortable », vous en conviendrez, vous ingérez : 3,75 dl de vin x 0.8 (c’est la densité spécifique de l’alcool, arrondie) x le volume-pourcent du vin = grammes d’alcool pur.

Appliquons ma formule à du 12,5 degrés, on obtient 37,5 grammes.

Appliquons-là à du 14,5 degrés, et c’est 43,5 grammes.

Appliquons-là à du VDN (16 vol %) et c’est 48 grammes.

Un verre de « vraie bière » contient 3,30 dl de bière x 0.8 x 5,5 vol% = 14,52 grammes d’alcool.

Donc, si vous buvez une demi-bouteille de Maury ou bien une demi-bouteille d’un vin maigrichon, la différence d’alcool ingéré n’est même pas égale à la quantité contenue dans un seul verre de bière !!!!

 

. Le « French Paradox » est une vaste foutaise. L’alcool est nocif, un point c’est tout.

A chaque fois - quelle que soit la quantité, même faible - vous flinguez des cellules cérébrales (neurones et autres cellules de soutien), vous intoxiquez vos cellules hépatiques (hépatocytes et autres types cellulaires), vous abîmez votre pancréas (îlots de Langerhans mais aussi glandes exocrines).

Le rôle des polyphénols en tant qu’anti-oxydant est réel, mais totalement marginal. Et on le montre dans les vins blancs aussi. Il s’agit ici de « poudre aux yeux » des gens du marketing.

 

. J’ai été néphrologue-clinicien pendant une partie de ma carrière médicale. Les appareils d’hémodialyse rénale (= le « rein artificiel ») nécessitent une grande quantité d’eau pure pour assurer leur fonction de filtre : on parle de centaines de litres pour chaque séance, même si je suppose que la quantité nécessaire actuellement a diminué par rapport au moment où j’exerçais encore. Et c’est des machines à osmose inverse qui la produisent. Je suis donc très au courant de ces méthodes, même si chaque unité possède un technicien spécialisé qui a la charge de cet équipement. Notez que je n’ai pas dit : « est en charge de ... », un anglicisme affreux mais à la mode.

 

 

Mon choix personnel de vinification du vin rouge

 

Je n’ai pas un goût prononcé pour les arômes de barrique dans le vin rouge. J’ai donc choisi de ne pas utiliser du tout cet accessoire. En outre, je crois qu’il faut plusieurs années aux plus doués pour apprendre à le maîtriser et toute une génération de vinificateurs pour la catégorie des vignerons lambda à laquelle j’appartiens en ce qui me concerne. Par contre, dans certaines circonstances, le bois permet d’assouplir les tannins et d’arrondir le vin. Il faut être un imbécile malhonnête pour ne pas le reconnaître. Goûtez les immenses vins (finesse, définition, volupté .... ) de Jean Gardiés dans le Roussillon ou de Thierry Allemand dans le Rhône pour vous en convaincre – je ne parle que de « voisins » ici, mais il existe des exemples dans tous les pays viticoles.

A Bordeaux, ou dans l’Yonne, ou à Chassagne et Puligny, c’est souvent ... le tonnelier qu’on reconnaît d’abord, et sans se tromper pour les experts ! Idem dans la Ribera del Duero ou la Priorat.

 

Donc, je suis obligé de vendanger des raisins dont les PEAUX sont mûres. Cela se détermine par la dégustation des baies, effectuée presque chaque soir en période de vendanges, parfois avec l’assistance – je n’ai pas dit l’aide, c’est un échange de vues – de mon oenologue, qui est passionné par ce sujet.

 

Je n’effectue AUCUNE analyse : les jus sont suffisamment riches dès le début septembre en général, l’acidité (tartrique) se maintient bien grâce à la tramontane (dessication et concentration) et aux sols de schiste, les rafles ne sont pas incorporées (éraflage total) et les pépins .... ne seront jamais mûrs de toute façon, c’est pour cela que nous pigeons au pied au Domaine de la Coume Majou. Donc, je vendange plutôt tard.

 

Si vous me trouvez un moyen d’empêcher la dessication partielle des baies ainsi que la poursuite de la glucogénèse – sans produits chimiques ni OGM – je suis évidemment preneur. Sinon ... nous rentrons toujours des moûts au-dessus de 1100-1110 de densité et parfois au-delà des limites de calibrage du densitomètre. Or, comme je veux des vins rouges secs (toujours < 3 gr/l d’hydrates de carbone chez nous, non-fermentescibles compris, et souvent même < 1 g/l de glucose ou fructose), et bien, il y a de l’alcool. Point barre.

Après, tout est une question d’équilibre et d’harmonie, et cela, c’est au goût de chacun.

 

Dans la Cuvée du Casot, à grosse majorité d’un grenache archi-mûr (Coumo d’en Miquelet) sur l’appellation Maury, il m’arrive de dépasser les 16 degrés sur le produit fini. Et je le marque bien sûr sur l’étiquette, sans honte ni non plus fierté. Effectivement, je suis satisfait d’avoir su mener à sa fin la fermentation alcoolique, sans surextraction, sans montée excessive de l’acidité volatile, et bien entendu sans « sucre qui traîne », je déteste cela à table. Par contre, je ne dédaigne pas un « vilain mot » de temps en temps pendant les repas.

 

Qu’est ce qu’on propose de faire, en « désalcoolisant » ?

 

Il existe différentes méthodes, nous y reviendrons un jour (désucrage du jus, levures moins alcoologènes ...). Ici, il s’agit d’osmose inverse d’abord, puis de distillation de la fraction contenant de l’eau et de l’alcool avec réincorporation ultérieure d’une quotité de l’eau ainsi obtenue. Légalement, on peut abaisser l’alcool dans la limite de deux degrés. Techniquement, on peut évidemment aller beaucoup plus loin.

 

Si je caricaturais – mais vous savez que l’outrance ne fait pas partie des caractéristiques de la maison, hum-hum – je dirais que c’est l’inverse de la fabrication de l’Armagnac (mon eau-de-vie préférée) : ici, on garde la flotte et on jette le «coeur de chauffe », quel gâchis ! Et comme dans l’alambic gersois, on travaille en continu. Vous avez le choix entre 100 hl/heure et 40 hl/heure : non-stackanovistes s’abstenir !

 

 

Rappel technique

 

Je présente mes excuses aux techniciens, physiciens et ingénieurs parmi mes lecteurs – s’il y en a – et également aux hébéphrènes et oligophrènes parmi vous – ça, c’est certain qu’ils sont nombreux : pour les premiers, ma description sera simpliste, pour les autres ... absconse.

Non, pas toi, lecteur du jour, tu fais évidemment partie de l’élite - slurp, slurp !

 

L’osmose inverse, c’est simple.

On prend un liquide contenant des substances dissoutes (hydrosolubles, cela marche mieux, mais il y a moyen pour les non-polaires aussi). On pompe ce liquide – donc on lui applique une pression – vers une membrane semi-perméable. Cela veut dire que, par sa composition chimique mais aussi par sa construction (hollow fibers par exemple), elle laissera passer de l’autre côté une partie du liquide et une partie sélective des solutés qu’il contient. De l’autre côté de la membrane, on peut ajouter un liquide de composition choisie en fonction de ses propriétés osmotiques, colloïdales, polaires ..... Les deux facteurs influant la perméabilité d’une membrane donnée seront bien sûr la pression trans-membranaire (= la force de la pompe pour faire simple) et le Δ de concentration de tous les solutés d’un côté et de l’autre de la membrane (gradient de concentration trans-membranaire). Bien sûr, si on ajoute des substances osmotiquement actives du côté qui « aspire », on peut encore moduler l’effet. On peut aussi incorporer des absorbants (charbon de bois actif p.e.). Vous voyez, dans certaines limites, on peut tout faire. Au début, cela a servi à désaliniser industriellement l’eau de mer ou à concentrer les jus de fruit. Les productions agricoles israéliennes (Carmel® etc) – dont le bénéfice a permis aux gouvernements du הליכוד (Likoud) d’occuper injustement la Bande de Gazah et les autres « territoires », puis de mater l’ انتفاضة (Intifadah) – en ont profité et l’American Fruit Company® et autres Tropicana®

(= Pepsi-Cola) s’en sont servis pour envahir le monde avec les jus d’orange

Made in Florida.

 

Où cela se corse encore, c’est que vous pouvez passer l’éluat obtenu sur des échangeurs ioniques (comme les résines ou d’autres), séparer la fraction qui vous intéresse et la réincorporer, en tout ou en partie, à votre liquide de départ :

- « Ti veux du vin tannique, mon zami ? Ji te li fais. »

- « Oué, è twa tu veux de la vinasse, une fois, tu vas l’avwar ! »

Vous remarquez que je me moque ici de l’accent du Maghreb mais aussi de celui de mes compatriotes, justice distributive. Je suis à la fois Coluche et Desproges .... le talent en moins.

 

 

 

Moi, je ne veux rien de tout cela.  

I don’t want any of that.

Da wil ik nie, zenne !

 

 

 

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Commentaires: 9
  • #1

    Michel Smith (samedi, 31 mars 2012 14:41)

    Ben dis donc mon zami, tu nous en met une couche... de science et de savoir-faire.
    On en apprends tous les jours, sauf que mon Littré ignore magistralement le sens des mots "hébéphrènes et oligophrènes". Face à mon ignorance, j'aimerai en savoir un peu plus... Peux-tu éclairer ma pauvre lanterne sur le sens de ces mots ?
    Et dire à la section "commentaires" de ton blog qu'il reconnaisse mon identité de manière automatique car cela m'éviterait à chaque occasion d'avoir à réimprimer les mêmes choses...

  • #2

    Thierry charlier (dimanche, 01 avril 2012 08:46)

    Coluche, Desproges, ..., Léon est vivant lui !

  • #3

    Luc Charlier (dimanche, 01 avril 2012 12:18)

    @Forgeron : Michel, ce « blog » n’est qu’une des fonctions hébergées sur le site JIMDO, en « annexe » du reste. Il ne présente pas un caractère interactif très poussé. Avantage : il faut être réellement motivé pour « poster ». Désolé, I cannot help it.

    J’ai toujours estimé que le Littré n’était pas un bon dictionnaire pour les lettrés. Je préfère les .... Roberts, surtout les gros, quoique La Rousse ne m’aille pas mal non plus.

    L’hébéphrénie est une forme grave de schizophrénie chez les jeunes (d’où son nom, emprunté à la divinité grecque de la jeunesse). L’oligophrénie désigne en général la disposition d’esprit des rappeurs et des partisans de M. Bayrou. On la rencontre aussi chez certains rongeurs, comme les lapins, dont les sillons corticaux sont peu prononcés.

    Voilà, j’espère que ces renseignements te suffisent, car ma vessie à présent pleine m’oblige à délaisser ta lanterne.

  • #4

    MichelSmith (dimanche, 01 avril 2012 13:42)

    Éclairage parfait, merci. Pour le reste, dis à ton hébergeur d'être plus affectif qu'interactif et ça marchera peut-être.
    Autre chose : pour augmenter ton lectorat, je te propose d'aller là :
    http://libefood.liberation.fr/sources/
    et de demander gentiment d'être référencé... Ça marche ! Et Libé en profite ainsi pour faire travailler gratos des centaines de blogeurs...

  • #5

    Xavier Erken (mardi, 03 avril 2012 20:29)

    Bravo Luc ! Je partage ton point de vue (comme d'habitude) Cependant, j'avoue humblement que je ne suis pas certain d'avoir tout compris du rappel technique

  • #6

    Denis Boireau (mardi, 10 avril 2012 11:19)

    Tres bon papier digne du journaliste que tu fut!
    MAIS le chapitre "Le French Paradox est une vaste foutaise. L’alcool est nocif, un point c’est tout" est grossierement faux.
    Si vu par le petit bout de la lorgnette du nephrologue la premiere goutte d'alccol est nocive, toutes les etudes serieuses ont prouve que 20 a 30 g d'alcool (ethanol) par jour a une influence positive globale sur la sante.
    Quand l'epatologue grimace, le cardiologue sourit. Il faut donc une vue holistique de l'effet de l'alcool sur le corps, le moral, et meme le mode de vie des etres humains.
    Et bien entendu pour le vin on ne doit pas limiter l'etude aux seuls effets de l'alcool, il faut voir l'effet magique de cette solution miraculeuse d'eau, d'ethanol, et de milliers de molecules. Les tenants d'une science myope negligent l'effet de tous ces composes sous pretexte de quantite negligeable. Gageons que la science du futur fera toute sa place aux effets majeurs des minoritaires et des ultra-minoritaires dans le vin comme dans tous les domaines.

  • #7

    Denis Boireau (mardi, 10 avril 2012 11:28)

    Pourquoi encourager des techniques couteuses pour abaisser le taux d'alcool, alors qu'il suffirait d'autoriser le mouillage?
    Je sais, ca fait hurler les supporters des vins hauts de gamme faits pour l'elite (club ou Luc pourrait rencontrer l'infame JR Pitte), mais moi je pense que ce serait bon pour les roses du Languedoc.

  • #8

    Luc Charlier (mardi, 10 avril 2012 17:48)

    Denis, je suis d’accord avec toi pour la « rectification » des moûts très riches, sur les vins rouges, si elle est faite au tout début. Le chapeau relarguera de toute façon suffisamment. Egalement sur les rosés.

    Par contre, je maintiens que le French Paradox est une foutaise intégrale. D’abord parce que cela vaut dans tous les pays et pour tous les types de vins (BLANCS y compris). Ensuite parce que cela ne s’applique qu’à de toutes petites quantités, qu’aucun amateur ne respecte. Mais surtout car la plupart des études sont truquées, réalisées dans des régions viticoles, par des chercheurs présentant tous une « confusion d’intérêts », affiliés à des « universités viticoles » (Talence, Geisenheim, Davis ....) et .... invérifiables pour la plupart. Ils ne faut pas plus les croire que celles du milieu pharmaceutique .... c’est vous dire !

  • #9

    Maxus (mardi, 25 septembre 2012 06:23)

    will be restored quickly