GILG: L’ÉTAPE

Avaler, c'est cracher vers l'intérieur!
Avaler, c'est cracher vers l'intérieur!

 

 

 

 

Depuis quelques jours, mes billets se font très anecdotiques.

En effet, le froid presque boréal qui a envahi le Roussillon et même notre vignoble n’incite guère aux travaux d’extérieur et je tente - à contre-emploi - de rattraper le retard accumulé en comptabilité. Comme cette tâche, pourtant essentielle, me rebute, j’utilise mon blog comme dérivatif : j’adore écrire. Enfin, voilà en tout cas l’analyse à laquelle j’aboutis.

 

 

 

 

Du temps où, fils studieux - par force plus que par goût personnel – d’une famille où les résultats scolaires importaient beaucoup mais ouvraient en contrepartie la porte à des vacances de qualité, les « sports d’hiver » constituaient un loisir primordial dans le rythme annuel. Tout d’abord, ce fut le Berner Oberland qui accueillit nos séjours récréatifs, grâce à son train de nuit, avec correspondance en gare de Bâle au début – « Alle umsteigen ! » criait le contrôleur - puis direct par la suite.

Par après, le cours du franc suisse ne permettant plus ces fantaisies, la Savoie devint une destination finale habituelle : des noms comme Martelange, Vesoul, Lons-le-Saulnier firent leur apparition sur ma carte de géographie virtuelle de jeune écolier. Les berlines familiales (voire un petit coupé sport lorsque la « clientèle » se montrait abondante) remplacèrent en effet le rail, en dépit du danger des longues nationales bordées d’arbres : ma mère roulait vite et quittait souvent Bruxelles en fin d’après-midi le vendredi, sa consultation terminée. On recherchait donc une étape à bonne distance, de préférence gastronomique, confortable mais pas forcément luxueuse. Mon père, retenu plus longtemps en Belgique, nous rejoignait souvent dans les stations en cours de week-end.

Et nous découvrîmes ... Mittelbergheim, dans le Bas-Rhin.

C’est à ce moment qu’on nous révéla la raison des platanes au bord des routes de France : les armées allemandes préfèrent l’ombre lors de leurs marches forcées !

 

Et Mittelbergheim renferme plus d’un trésor, que nous sûmes découvrir petit à petit.

 

D’abord, il y eut le Winstub Gilg. Je pense que notre chalandise y connut ses débuts vers 1970-1975. On y trouvait déjà un délicieux foie gras d’oie en brioche, largement servi, et une des choucroutes les mieux garnies d’Alsace. Depuis lors, j’y suis retourné très souvent : la vieille demeure n’a pas changé extérieurement, même si le romantique escalier en colimaçon a vu ses marches en grès réparées – usées et creusées qu’elles étaient par des millions de semelles au fil des siècles – et même si les chambres ont bénéficié une à une d’une remise au goût du jour. L’équipe est toujours la même elle aussi, principalement familiale : les commissures des yeux ont pris quelques rides, les jupes se sont rallongées, mais le sourire demeure et la tranquille gentillesse aussi. Il y a toujours autant de marc de gewürztraminer dans les sorbets – point besoin de modération quand on loge sur place. La cave du restaurant contient toujours trop de vins de Bordeaux – je n’en bois pas – mais s’est étoffée dans les autres régions et son offre alsacienne est alléchante tant par sa qualité que ses tarifs. Le jus d’orange et le kouglof du petit déj. sont toujours parfaits. Malheureusement, l’augmentation générale des additions qui a suivi le passage à l’euro n’a pas épargné ce coin de France (de France ?) mais les propriétaires n’y sont pour rien et le rapport qualité/prix de l’établissement reste tout à fait correct.

 

Je me permettrai une seule anecdote : un soir de juin à la fin des années ’90 était jour de fermeture hebdomadaire du restaurant. J’avais donc réservé une table au Wistub du Sommelier à Bergheim pour célébrer un anniversaire. La jubilaire – qui se reconnaîtra – appartient à une ethnie peu portée sur la tripaille et c’est fort perplexe qu’elle se mit en devoir de choisir son menu festif : que des foie, andouillette, pot-au-feu de ceci à la moelle, pied de cochon de cela .... Nous nous sommes levés, après avoir vidé une délicieuse bouteille de riesling – car c’est une ethnie qui ne réchigne par contre pas à la déglutition - et sommes allés dîner ailleurs, à Ribeauvillé je crois. La soirée devenait très tardive et, d’autres rieslings aidant, il nous fut nécessaire de consentir une petite halte sur un parking au bord de la voie rapide qui existait alors ... pour mettre notre propre foie à niveau et « récupérer ». Notre relation était suffisamment harmonieuse pour que le « coup de la panne » ne fît pas partie de mes fourberies destinées à lui faire quitter ses escarpins. La nuit était déjà bien avancée lorsque je garai la vieille Peugeot (pourvue d’un toit ouvrant, cela existait encore et je refuse obstinément l’air-co) devant le portail fermé à double tour du Winstub et ... nécessitant un code d’accès, connu de tous sauf the pair of us . Nous n’eûmes d’autre solution que de carillonner et de réveiller la maisonnée. La famille Gilg m’a pardonné depuis.

 

Et puis Gilg, c’est aussi les cousins d’en face : le Domaine Viticole Armand Gilg. Christine en propose quelques bouteilles à ses clients restaurateurs du sud de la France, et notamment les beaux rieslings et sylvaners qui poussent sur les argilo-calcaires du grand cru local : le Zotzenberg. Vous ne rêvez pas : du sylvaner en grand cru. Mittelbergheim constitue l’exception à ce sujet et c’est Jean-Pierre Gilg – « ma » génération à peu près dans la famille, longtemps un des responsables du cru et de son syndicat, qui en fut l’artisan principal. J’avais rencontré son papa, qui dégustait parfois avec nous sans dire grand-chose, l’oeil narquois et les pieds campés dans des charentaises pas possibles, tandis qu’il nous faisait voir les 1971 et 1976 dont il était si fier. Maintenant, c’est Jean-Christophe (un neveu si j’ai bien compris), ainsi que Thierry Gilg et Nelly qui gèrent la trentaine d’hectares de la propriété. Cette jeune femme n’a pas hérité du caractère réservé de son aïeul : vous saurez tout ce que vous voulez apprendre sur le domaine, et plus encore. «Spitante» comme on dit en belge, et par ailleurs extrêmement joviale et sympathique, elle est inarrêtable. Ses neveux - l’avenir du domaine – doivent avoir là une tantine bien présente.

Je pense avoir dégusté au moins 25 millésimes de Gilg, et tous les cépages - y compris le Klevner d’Heiligenstein, l’auxerrois et peut-être quelques pieds de chasselas s’ils en possèdent, cela je ne le sais plus. Déjà dans les années ’80, c’était le riesling du Zotzenberg (qui n’avait pas encore de classement « officiel » au départ) qui me plaisait le plus. Il n’y traînait aucun sucre mais les rendements étaient un peu moins maîtrisés que maintenant. Ensuite – Jean-Pierre avait changé d’avis à ce sujet – on vit également apparaître des vins de surmaturité, avec de belles VT botrytisées, en 1989 je crois. Enfin, la gamme a compté des bouteilles réussies dans tous les types : sec, tendre, liquoreux, tranquille et effervescent, générique, village, lieu-dit, GC ...

 

Moi, je vous recommande en permanence :

. le Muscat de l’année, mélange d’Ottonel (un croisement entre muscat précoce et chasselas) et d’Alsace (le petits grains en fait), parfait comme apéritif car il est suffisamment aromatique, sans lourdeur ni sucre excessif, et excellent sur les asperges, grâce à son absence d’amertume en finale et sa – relative – acidité. Ne le laissez pas trop vieillir, sauf dans certaines millésimes.

. le Sylvaner GC Zotzenberg : une expression mûre sans chaptalisation de cet excellent cultivar que beaucoup de domaines n’exploitent pas bien*, alors qu’il fait la gloire du Frankenwein. Il arrive même (2007, 2009) ici qu’on le laisse sur souche jusqu’à la mi-octobre et qu’on vinifie alors une Cuvée Prestige conservant un peu de sucre résiduel mais au corps très charnu. Intéressant.

* : les sylvaners des soeurs Faller à Kaysersberg ou d’André Ostertag à Epfig comptent aussi parmi mes favoris

. le Riesling GC Zotzenberg : généralement bien sec (parfaitement en 2010 p.e.), il exprime les notes citronnées du cépage et ce côté profond, salin (je pense que « minéral » est trop vague) et droit de cette zone argilo-limono-calcaire. Un « riesling de protestant » !

. les Vendanges Tardives de riesling et de gewürz, disponibles en 50 cl, qui ne sont pas des monstres de sucrosité mais présentent beaucoup d’équilibre généralement.

. le Crémant d’Alsace 100% riesling : très épuré et d’une acidité parfaite.

 

Les dernières mises, portant sur 2010 principalement, m’ont charmé par leur fruité vibrant, leur acidité et leur absence de pommadage.

 

L’illustration vous dévoile une Christine un rien débraillée

– regardez le boutonnage de sa veste – au sortir du local de dégustation

en novembre 2009. Ben oui, quoi, c’était après une dégustation effectuée avec Moderaçión. Mais celle-ci avait dû partir avant nous !

Cette fois, les – 15° ambiants m’ont empêché de décoller l’index du déclencheur de l’appareil photo et je n’ai pas d’archives à vous proposer.

 

 

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Commentaires: 1
  • #1

    Cheap Foamposites (mardi, 20 mars 2012 10:40)

    Wow, my god! Incredible articles. Really is well written.