LA BONNE ÉTOILE DU MONT AIGOUAL

Meyrueis, 7 heures du matin
Meyrueis, 7 heures du matin

 

 

 

 

 

 

 

Il y a un an environ,

Christine avait fait déguster

notre gamme à

l’Hôtel du Mont Aigoual

(Meyrueis).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le Mont Aigoual, me direz-vous car vous étiez fortiches en géo, c’est presque le point culminant des Cévennes, avec ses 1565 m d’altitude (le Mt Lozère fait

1699 m, lui). C’est aussi une station météorologique de pointe, que l’ONM occupe toute l’année sans interruption. Ce fut enfin un maquis héroïque lors de la deuxième guerre mondiale.

 

Pour nous – car nous avons pas encore fait de rando sur le plateau qui entoure le Mont Aigoual - cette zone c’est surtout Meyrueis. Le village, arrosé par la Jonte, joue charnière entre le Causse Noir à sa face sud, le Causse Méjean à sa face nord et le massif cévenol proprement dit à l’est. Les causses se prolongent encore par la Causse de Sauveterre, de l’autre côté des spectaculaires Gorges du Tarn, tandis que la Corniche des Cévennes vous mènera vers Alès, la défigurée (urbanisme totalement anarchique). La bourgade regorge d’hôtels et de restaurants de tout type, et les alentours comptent un grand nombre de bonnes tables. Il faut dire que le tourisme sportif ou contemplatif, venant souvent de l’Europe du nord, s’y complaît et que la saison touristique voit un afflux de visiteurs important. Par contre, en hiver, la région fait comme l’ours : elle sommeille et reprend ses forces pour préparer le rush du printemps suivant. Meyrueis même est difficile d’accès – une petite route sinueuse en venant de Florac (D 996) au nord-est qui se prolonge vers Millau à l’ouest, et une autre encore plus chaotique vers le sud (D 986) en direction de Montpellier via Le Vigan. Une fois qu’on y est, on y est et le village pourra servir de point départ pour toutes les excursions vers les causses ou vers les Cévennes. Moi, je m’y verrais bien quelques jours, quand c’est que j’aurai des sous pour prendre une semaine de vacances.

 

Bon, j’essaie de rattraper le fil de mon récit. A l’issue de cette dégustation civalesque, malheureusement réalisée après l’établissement de la carte pour la saison nouvelle, le chef Daniel Lagrange avait encavé un peu de vin blanc et un peu de rouge du domaine pour son usage personnel. Voilà qui est sympa et qui confirme l’adage : « Charentes-Poitou, tradition du bon goût ». Cette année, c’est la patronne – arrière-petite-fille de la fondatrice de l’établissement – qui nous a elle-même commandé ces deux références. Pardi, le chef a fini par les sortir sur la table familiale et ... cela a plu à Stella Robert. Maintenant, vous avez compris le clin d’oeil de mon titre.

 

Entretemps, j’avais été vérifier sur le net l’acuité du nez de ma compagne : elle nous déniche souvent des tables, prestigieuses ou non, qui font la part belle aux produits et à une espèce de sincérité, plutôt qu’au chichi et à la mode. Comment avait-elle atterri dans un coin aussi retiré que Meyrueis, et pourquoi dans cette maison-ci parmi des vingtaines d’autres ? J’ai bien ri, a posteriori, devant la bêtise de certains internautes faisant des commentaires ahurissants. En France, il y a bien entendu 30 millions de sélectionneurs de foot (tous les hommes), mais presqu’autant de cordons bleus et des centaines de milliers de Louis Daguerre pixélisés. Enfin, à en croire leurs dires. J’ai même lu – et cela passait pour un reproche – que « Mme Robert à l’oeil à tout et l’hôtel paraît presque trop propre » ou encore « le chef est trop affable », en substance. Moi, je peux leur renseigner des dizaines d’hôtels où manquent les serviettes éponge ou l’ampoule de la lampe de chevet, où le jardin est un fouillis de mauvaises herbes et la piscine négligée, où les volets roulants ... ne tournent pas rond, où les assiettes sont jetées sur les tables des pensionnaires et où le suprême de pintade prétendument de l’élevage de monsieur Untel arrive devant vous encore tout gelé au centre, en droite ligne de chez Picard® ou Findus® (mes chouchoux). En revanche, j’avais lu vingt fois ou plus : « Nous passons chaque été une semaine de vacances dans cet établissement et il nous tarde d’y revenir ».

 

Christine a décidé qu’il était temps d’aller livrer une partie de ses fidèles sur l’Aubrac – avec un gros mois de retard par rapport aux autres années car les commandes ont été très retardées en raison des conditions climatiques – et aussi de satisfaire nos nouveaux clients gardois et vauclusiens, car c’est la première année que nous nous étendons aussi loin vers l’est. Je lui ai proposé d’en « profiter » pour nous arrêter (vraiment, toute une nuit) à Meyrueis. Géographiquement, c’est à mi-chemin, mais il nous a fallu plus de trois heures de route pour venir du Puy-en-Velay (arrêt lentilles du producteur obligatoire) et encore trois grosses heures au matin jusqu’à Avignon. Vous pensez bien qu’elle était ravie : un chauffeur, un porteur, un sélectionneur du vin à table et ... rien qu’un petit peu emmerdeur, notamment quand elle lit la carte. Je suis le butler dont rêvent toutes les vigneronnes (hum hum). Aussitôt dit, aussitôt fait.

 

A notre arrivée tardive, une escouade de Britanniques, venus des bords de la Manche à vélo et comptant un trisomique dans leur groupe (l’oeil de l’ancien praticien), buvaient une bière (belge) dans le hall d’entrée. Le service du soir venait de commencer. Mais tout cela n’a pas empêché « l’oeil à tout » de la patronne de me déléguer un serveur qui terminait son rôle pour me montrer le parking (privatif) et pour m’aider à décharger la marchandise et la ranger au cellier. Ensuite, vite-vite à la chambre pour un brin de mise au propre après la route et zou ... à table.

 

Et ici, je reprends mon avertissement éternel : je ne suis pas critique gastronomique. Je vais pourtant vous parler de nos plats de résistance : carré d’agneau pour la miss, filet de canette pour moi. Nous avions volontairement délaissé la truite de l’élevage local car je voulais goûter le Saint-Chinian de la carte et ... les carignans sur la truite, fût-elle meunière ou au bleu, bof-bof. L’agneau, joliment présenté avec ses petites côtes faisant comme un bouquet au centre de l’assiette, et la canette, avec ses délicieux parfums de sauge – je ne l’ai retrouvée qu’en voyant une feuille en décoration – qui se mêlaient à une touche exotique et mielleuse (poivre des îles, muscade ou macis, anis étoilé peut-être, un rien de girofle ?) et un jus assez court, partageaient l’assiette avec une jardinière de légumes de saison très variés, tous cuits à la perfection et sans apprêt inutile : une explosion de saveurs. Par mesure d’exception, je vais toucher un mot du dessert, qui associait un sorbet aux fruits rouges (dominante cassis), des pruneaux et une espèce de cône en biscuit discrètement aromatisé à la canelle, posé comme un chapeau de Pierrot. J’espère que mon diabétologue ne lit pas mes chroniques, même au clair de la lune.

 

On a pu saluer le chef une fois la salle quasiment vide. Nous étions bons derniers à table, comme toujours, mais il était à peine onze heures du soir : les randonneurs se couchent tôt. Nous avions auparavant taillé la bavette (pas le flanchet) avec un couple de Glaswégiens très sympathique, en route vers ... Céret. Eux préféraient Laphroaig, moi je reste un inconditionnel d’Ardbeg.

 

Le matin nous a vus partir de bonne heure et sans petit déj’, longue route oblige, mais c’était à nouveau ... madame Robert qui officiait et elle a fait le petit café indispensable pour Christine. Je vais vous dire très franchement, que ce soit la patronne ou bien un gérant compétent, les hôtels-restaurants où quelqu’un à l’oeil à tout, j’ai l’impression qu’ils sont beaucoup mieux tenus que les « gros trucs » appartenant à des financiers ou à des chaînes internationales. Si c’est cela que le terme « familial » englobe, vive les hôtels familiaux. Tiens, à propos, chez Pic ou Point, chez les Haeberlin, chez les Troisgros, chez Bras, chez les frères Pourcel ... est-ce qu’on n’a pas l’esprit de famille ? Et dans mon billet d’hier, n’est-ce pas le mas de famille que M. et Mme Chenet sont venus redynamiser, patron à la tête de la brigade et apparemment fiston à la partie pâtisserie ?

 

Non, messieurs-dames les blogueurs « je sais tout »,

un peu de convivialité et d’organisation,

cela ne fait jamais de tort.

 

 

 

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