PAS DE SCANDALE

Cerné, le vigneron, malgré le plaisir offert par le Quarts de Chaume 1992
Cerné, le vigneron, malgré le plaisir offert par le Quarts de Chaume 1992

 

 

 

Un billet composite, aujourd’hui.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Depuis que je suis devenu vigneron, je me suis donné pour règle de ne plus critiquer le vin des autres et, de manière générale, de ne pas jetter d’huile sur le feu par ce blog. Je ne pense pas que la cause du vin, vecteur de plaisir autant que de culture, y gagne quoique ce soit et, en outre, on attire déjà tellement de jalousie et de méchanceté comme cela que ce n’est pas la peine d’en rajouter.

 

Or, j’ai dû régler hier un grand nombre de problèmes de tous ordres, qui m’ont occasionné beaucoup de désagréments et n’ai pas mangé pendant 24 heures, stressé que j’étais. Ne vous inquiétez pas, j’avais quand même encore

95 mg/100 ml de glycémie au réveil.

 

Aujourd’hui, il a fini par faire magnifique sur le Rec d’en Fourtou : José et moi avons achevé de le tailler, ainsi qu’un tout petit bout de parcelle au Rec d’en Cruels, un vieux carignan qui fait parfois partie de la cuvée La Loute, car il voit le soleil vers la fin de matinée et toute l’après-midi. A l’embauche, la tramontane soufflait pourtant fort (100 km/h en rafales) et il ne devait pas y avoir beaucoup plus de 2°C, avec un petit crachin. Par contre, sur le coup de midi, je songeais à tomber la veste et la poignée du sécateur électrique, qui avait beaucoup donné, me chauffait copieusement la dextre.

 

C’est vous dire que je n’avais pas grande envie de faire beaucoup d’administration l’après-midi. On a rassemblé ses forces créatrices pour vous pondre le billet du jour.

 

D’abord, allez voir (liens en fin de texte) l’enquête de Jim Budd sur certains moelleux d’une région de France qu’il connaît bien. Fidèle à mon principe, digne admirateur – même si je ne partage évidemment pas les convictions qu’il affichait – de Bernard de Clairvaux, je garde le silence au fond de ma cave comme un paillard Templier puni au fond de sa cellule. Mais je ne peux m’empêcher de soulever le lièvre, vu qu’il y a peut-être anguille sous roche (= een adder in het gras), et ne vous poserai pas un lapin. Attendons voir, laten we de kat uit de boom kijken: quelle ménagerie !

 

Pour donner plus de corps à cette chronique, je vais vous parler de Papin, à toute vapeur ! (Ça, c’est drôle).

De Claude Papin, bien entendu. Je le connais depuis le moment où il a repris les vignes de M. Roussier, tout au nord de l’appellation Savennières, sa partie la plus sablonneuse, les ajoutant à celles de son père et de son beau-père, plutôt sur Rochefort et Beaulieu, l’autre rive donc. Mais je n’ai plus eu l’occasion de passer au domaine (Château de Pierre Bise) depuis que je me suis moi-même installé ; je pense que nous avions mangé de la soupe aux fraises macérées dans son rosé à cette occasion. Il y en a bien qui boivent du petit lait quand ils dégustent celui de PJ Druet, n’est-ce pas les cinq ?

 

Et alors, me direz-vous ?

Alors, cela signifie que je dispose à présent d’une kyrielle de Coteaux-du-Layon – car j’aime à appeler ainsi tous les moelleux d’Anjou, qu’ils soient Chaume ou Quarts, Layon ou Bonnezeaux, tous destinés à me plaire – prêts à boire. Il doit même me rester de l’Anjou blanc sec, son Haut de la Garde, mais il est « past its best » (1995 !).

 

Tout d’abord, je vais vous exposer mes vues – immodestes mais sincères – concernant les vins blancs moelleux.

 

Un grand présupposé : on ne doit pas les chaptaliser ! Cela ne signifie nullement que j’érige cela en religion, mais je pense qu’il y a une espèce de « faute esthétique » (een schoonheidsfout) à le faire et, en plus, je suis convaincu que cela se remarque très vite à la dégustation, par une chaleur, un brûlant qui détonnent de l’harmonie du reste. C’est sans doute pour cela que je n’ai jamais adoré, à quelques exceptions près, les moelleux bordelais ni non plus ceux de la Dordogne. J’ai bien dit : à quelques exceptions près (Climens 1988, 89, 90 bus récemment et super, par exemple).

 

Un deuxième principe : il faut que l’acidité soit suffisante pour équilibrer le sucre. Et là, notre ami le chenin marque beaucoup de points. Cochon qui s’en dédit, mais il n’y a que le riesling et le manseng (petit) pour arriver à ces états de grâce.

 

Enfin, peu importe le moyen : passerillage sur pied, tries, récolte massive en grande pourriture noble, vin de glace .... tout me va. Je pense que le passerillage sur claies, ou le séchage en tunnel, en serre ou au plafond représente quelque chose d’à part, qu’on ne peut comparer. Bien entendu, le mutage à l’alcool sort du cadre de cette description, notamment parce que le sucre résiduel sera finement réglé par le vigneron (point de mutage assez facile à gérer) et qu’il s’agira presqu’exclusivement de fructose, et parce que l’apport d’alcool exogène modifie la donne.

 

Bon, alors, on déguste ?

 

La robe, d’une couleur qui plaît à un néphrologue, brille de mille feux avec par-ci par-là un petit cristal de bitartrate. Au nez, c’est l’encaustique et la cire d’abeille qui dominent, signant preque le chenin. En bouche, la fluidité de l’attaque fait place à une acidité implacable ET au moelleux au bout de quelques secondes : très bonne longueur. On est plus sur les notes terpéniques que sur le fruit exotique. Grand équilibre de ce beau vin issu d’un petit millésime, à présent parfaitement prêt à boire. Je me régale !

 

Pour la petite histoire, ceci est ma dernière bouteille et la précédente présentait un léger goût de bouchon, hélas. Par pitié, même si tout le monde n’approuve pas – pour d’autre raisons - la conduite de certains ténors de la région qui sont passés à la capsule à vis, faites de même, dans l’intérêt du consommateur ! Il n’y a plus que les attardés pour opposer une réelle résistance, dès lors qu’on prend le temps d’expliquer.

 

J’avais invité mon directeur de conscience à venir dîner ce soir,

mais il est parti à Rome pour apporter son concours

en tant que conseiller laïque auprès du conclave qui va bientôt se réunir.

Tant pis, nous mangerons sa part de tarte au citron maison

et boirons un verre de ce beau vin à sa santé.

Et bravo à vous, Claude Papin.

 

 

 

(Réf : http://les5duvin.wordpress.com/2013/02/12/florent-baumard-marque-contre-son-camp/ ainsi que d’autres citées dans l’article)

 

 

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Commentaires: 3
  • #1

    Michel Smith (mercredi, 13 février 2013 07:53)

    Tiens, j'ai goûté un grand Muscadet l'autre jour. Il était têtu, obtus, fermé, hermétique, ligoté, comme en plein conclave. J'ai embrassé Christian Papin (Aubance) l'autre jour à Angers, mais j'ai loupé Claude.

  • #2

    David Cobbold (mercredi, 13 février 2013 09:31)

    Assez d'accord avec toi Luc sur la définition "déontologique" (le mot semble à la mode) d'un vin liquoreux. Et entièrement d'accord pour lauder Claude Papin et ses vins, et insister sr les avantages de la capsule à vis.

  • #3

    Masticating Juicer (vendredi, 03 mai 2013 16:05)

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